Une place pour toi dans le monde

de Dominik Busch

Traduit de l'allemand par Silvia Berutti-Ronelt et Jean-Claude Berutti

Avec le soutien de la MAV

Écriture

  • Pays d'origine : Suisse
  • Titre original : Deinen Platz in der Welt
  • Date d'écriture : 2019
  • Date de traduction : 2023

La pièce

  • Genre : série de scènes apparemment dissociées finissant par constituer un ensemble plutôt « tragique »
  • Nombre d'actes et de scènes : 18 scènes
  • Décors : La pièce racontant plusieurs histoires qui se répondent les unes les autres, les décors sont multiples (mais ne demandent en même temps aucun réalisme). Plusieurs scènes d’appartement, plusieurs scènes dans la même voiture, mais un thème récurrent, celui de la porte, ou du seuil.
  • Nombre de personnages :
    • 22 au total
    • 14 homme(s)
    • 8 femme(s)
    • Distribution variable : beaucoup de personnages + un chœur, mais pouvant être joués par cinq comédiens au moins (trois hommes et deux femmes) se passant le témoin d’une vingtaine de figures.
  • Durée approximative : 90 mn
  • Création :
    • Période : 2020
    • Lieu : Theater Bielefeld
  • Domaine : protégé. Les droits des pièces de Dominik Busch sont représentés par le Suhrkamp Theater Verlag et par L’Arche Éditeur en France.

Édition

Cette traduction n'est pas éditée mais vous pouvez la commander à la MAV

Résumé

La pièce Une place pour toi dans le monde est une mosaïque de scènes : un couple fait une randonnée avec ses deux enfants lorsqu'un rocher se détache de la paroi de la montagne et roule vers eux. Le père court se mettre à l’abri. La mère essaie de protéger ses enfants. La famille s’en sort physiquement indemne, mais le rocher a brisé le couple. Dans une autre scène, une jeune femme apprend une semaine avant son mariage que ses parents l’ont adoptée ce qui la bouleverse. Une autre femme rend tous les jours visite à son mari qui, après un grave accident, est amnésique. Il ne la reconnaît pas et pose chaque fois les mêmes questions… Toutes ces scènes sont ponctuées par d’autres montrant une ancienne conductrice de bus qui, après avoir causé un grave accident, tente de conduire un taxi, mais les crises d’angoisse l’en empêchent. Un autre sujet récurrent est représenté par un chœur de SDF brûlés par un homme qui, la nuit, sort dans la rue pour arroser ceux qui y dorment d’essence et y mettre le feu. Tous les personnages sont dans une situation où leur vie vient de basculer ou est en train de basculer.

Regard du traducteur

La pièce de Dominik Busch est d’une construction sophistiquée. Elle consiste en une mosaïque de scènes qui, comme les tesselles, peuvent être regardées et comprises séparément, mais forment malgré tout un ensemble cohérent. Peu à peu on se rend compte que les personnages de chaque tesselle sont liés d’une manière ou d’une autre, d’ailleurs sans que tous se rencontrent nécessairement… Au début de la pièce, un agresseur violente sa victime et la pièce se terminera par la mort de l’agresseur et la compassion de la victime… la victime étant un SDF que presque tous les autres personnages auront rencontré au coin de la rue à un moment ou à un autre. Dans chaque séquence où il est présent, le SDF demandera aux autres personnages qu’il croise s’ils ont vu l’amour… C’est une des colonnes vertébrales d’Une place pour toi dans le monde.

S’il fallait trouver un modèle classique à la pièce de Dominik Busch, on pourrait nommer sans se tromper les Petites tragédies de Pouchkine. Mais dans le cas du modèle les courtes pièces n’ont rien à voir les unes avec les autres, alors qu'ci, elles ne cessent de se répondre et de se questionner les unes les autres, fonctionnant par ricochets successifs pour finir par former une série de cercles concentriques où tout s’éclaire. Peu à peu on se rend compte que les personnages de chaque scène sont liés d’une manière ou d’une autre sans que tous se rencontrent nécessairement... Parmi ces scènes on voit deux criminels devant se justifier devant leur boss : ils ont menacé un jeune homme jusqu'à ce que celui-ci, pris de panique, se jette sous un bus. Une autre scène présente un père abandonnant sa femme et ses enfants dans un accident de montagne… Une fille apprend juste avant son mariage qu'elle n'est pas l'enfant de ses parents… Le collaborateur d'une grosse entreprise européenne rentre d'Afrique et doit vivre avec le fait qu'il a été contaminé par le Sida… Une chauffeuse de taxi traumatisée est prise de crises de panique au volant et demande à ses clients de conduire eux-mêmes son véhicule... 

L’agencement et le développement secret de la pièce de Dominik Busch répondent à un équilibre musical, l’auteur y joue subtilement d’une large variété thématique se développant par vagues successives, chacune avec son flux et son reflux, ses pics dramatiques et ses trous noirs… Et dans chacune des pièces de la mosaïque un des personnages est contraint de prendre (ou a été contraint de prendre) une décision difficile dont il doit assumer la responsabilité. Ce moment décisif dans sa vie, où il est (ou a été) au pied du mur entraine (ou a entraîné) une série de catastrophes... La question de la série comme forme ou moyen d’expression est donc ici essentielle. On aurait presque affaire à un « théâtre sériel » comme on parle de musique sérielle.

La seconde colonne vertébrale d’Une place pour toi dans le monde est la rencontre récurrente d’une chauffeuse de taxi qui a beaucoup de peine à continuer à conduire à la suite d’un accident. Dans une des scènes où elle est au volant de sa voiture (ou dans le siège du passager, c’est selon) elle demande à sa passagère de lui chanter une chanson. Celle-ci refuse... mais elle récite à son intention un poème de Eichendorff. Nous étions devant le choix difficile de traduire le poème allemand ou de lui trouver un équivalent français. Devant l’impossibilité de réaliser une traduction valable et fidèle en termes de rythme et de versification du poème de Eichendorff, nous avons choisi la recherche d’un équivalent français... Il fallait un poème qui soit relativement proche de l’idée de chanson et qui reprenne d’une façon ou d’une autre la manière romantique de l’original. Nous nous sommes finalement décidés pour une poésie de Jean Tardieu (lui-même traducteur de Hölderlin) qui trouve une correspondance secrète avec l’original, et d’ailleurs avec l’ensemble des scènes. Dans la mesure où ce poème est repris dans l’ultime scène de la mosaïque par la chauffeuse de taxi lorsque le SDF demande une pensée pour son agresseur mort, le poème devient la conclusion de la pièce. Nous pensons avoir trouvé avec cette « Petite suite » un épilogue approprié à l'ensemble aussi poétique que mystérieux composé par Dominik Busch.