Il faudrait me payer

de Jordi Prat i Coll

Traduit du catalan par Clarice Plasteig

Avec le soutien de la MAV

Écriture

  • Pays d'origine : Espagne
  • Titre original : M’hauríeu de pagar
  • Date d'écriture : 2018
  • Date de traduction : 2023

La pièce

  • Nombre d'actes et de scènes : 3 monologues
  • Nombre de personnages :
    • 3 au total
    • 2 homme(s)
    • 1 femme(s)
  • Durée approximative : 75 mn
  • Création :
    • Période : 2020
    • Lieu : Sala Atrium (Barcelone)
  • Domaine : protégé

Édition

Cette traduction n'est pas éditée mais vous pouvez la commander à la MAV

Résumé

Dans sa forme, la pièce est composée de trois monologues. Trois voix pour trois personnages : Elle, Lui, Le Fils, dont on comprendra les liens qui les unissent petit à petit. Chacun vient nous livrer, son histoire, ses souvenirs, ses peurs, ses manques, ses plaisirs… et ils nous embarquent dans leurs solitudes, où chaque digression vient renforcer le vide sur lequel ces êtres ont dû se construire et avancer, et nourrir la poésie du texte et de la langue de l’auteur. Écrite sans ponctuation (à l’exception de quelques points d’interrogation), Il faudrait me payer, est une pièce libre. D’abord, parce que l’auteur assume la liberté de se laisser porter par le flux de l’inspiration qui finit par donner au texte et à la parole un rythme presque musical, et libre aussi, parce que les personnages semblent ne pas avoir de filtres quand ils s’adressent à nous.

Regard du traducteur

Tout comme ses trois personnages, la pièce Il faudrait me payer s’adresse directement à nous. Intimement. Si eux, à travers la parole, tentent d’échapper à leurs solitudes ; nous, lecteurs, public, sommes renvoyés chacun face à la nôtre. C’est ce que permet l’habile dispositif mis en place par Jordi Prat i Coll, en nous plaçant en miroir de ses personnages. En tant que spectateur, nous ferons d’abord partie d’un groupe de visiteurs de musée, puis d’un groupe de congressistes fétichistes et enfin d’un groupe de proches venant écouter les dernières notes que notre ami pianiste jouera de sa vie. Ainsi ces confessions, les yeux dans les yeux nous arrivent, par rebond, en plein cœur.

Dans ses trois prises de parole, compulsives presque pour les deux premières, on est d’abord surpris, puis remué, finalement ému, devant la mise à nue de ces vies. L’auteur nous parle de l’enfance, des souvenirs, de sexe, de nos fragilités, des mensonges et de la vérité, des silences, de l’art, de toutes ces choses qui font ce que nous sommes. Sans oublier l’argent. Car, dans les deux premiers volets, la prestations des personnages est payante. Et, tous deux, réclament ce qui leur est dû, à la fin de leur monologue. Quant au troisième, Le Fils, c’est lui qui paierait, qui paierait cher pour que ses parents soient à ses côtés encore. L’argent pourrait-il combler le vide ?

Jordi Prat i Coll dit que sa pièce parle de tout ce que nous ne comprenons pas mais que nous avons besoin d’exprimer. Cette définition pourrait s’appliquer à la création artistique, à l’écriture même de cette pièce où l’expression artistique et la présence de l’art est omniprésente : Elle nous guide dans un musée, nous parle des annonciations du Greco, de Véronèse et du maître de la Seu d’Urgell, elle questionne les œuvres de Warhol et de De Chirico…. Lui expose son corps tel une œuvre d’art. Et Le Fils est un pianiste renommé. L’art pourrait-il combler le vide ?

Au final qu’est-ce qui pourrait le combler, ce vide existentiel ? L’auteur nous présente des pistes, mais pas nécessairement des pistes de réponses, plutôt des pistes de questionnement. Un bouillonnement viscéral, que l’on a pour habitude de garder pour soi, un foisonnement de doutes et d’incompréhensions que l’on croit personnels, et qui, en général, sont exprimés par les silences, le sous-texte. La force de ce texte est sans doute d’oser, oser montrer, oser dire, oser regarder.

Un autre point qui m’amène à vouloir traduire ce texte : la contradiction entre, d’une part, l’aspect frénétique de la parole (particulièrement dans les deux premiers monologue), renforcé par l’absence de ponctuation, qui laisse la pensée se dérouler comme une voix intérieure qui aurait pris le dessus sur la convenance ; et, d’autre part, la maîtrise de l’auteur, qui régit les mots, tel un chef d’orchestre, qui laisse divaguer ses personnages, pour ensuite les ramener à leurs propos, qui insuffle à l’ensemble de son texte, une dimension poétique dans sa forme, son jeu sur les répétions, et sa musicalité.

Jordi Prat i Coll figure depuis quelques années parmi les metteurs en scène et dramaturges incontournables de la scène catalane. Ses pièces marquent et, à l’instar d’Il faudrait me payer, sont diffusées à l’étranger. Jusqu’à présent aucune n’a été traduite en français. Pourtant, l’œuvre de Jordi Prat i Coll s’inscrit dans l’esprit d’un théâtre contemporain européen qui ne doit pas être bloqué par les frontières ou les langues.