Écriture

  • Pays d'origine : Colombie
  • Titre original : El dictador de Copenhague
  • Date d'écriture : 2010
  • Date de traduction : 2025

La pièce

  • Genre : drame social et intime
  • Nombre d'actes et de scènes : 23 scènes
  • Décors : la maison du dicteur ; le lycée ; le parc ; l’aéroport ; la maison de l’assassin ; deux scènes dans le brouillard (scènes 20 et 22)
  • Nombre de personnages :
    • 7 au total
    • 6 homme(s)
    • 1 femme(s)
    • des personnages collectifs muets (des élèves, des soldats et la foule)
  • Durée approximative : 90 mn
  • Domaine : protégé

Édition

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Résumé

L’histoire se déroule à Copenhague, nom d’un village colombien aux antipodes de la capitale danoise, qui apparaît à la fois comme un lieu de fuite et un ailleurs désirable. Les dictées qui donnent leur titre à la pièce sont celles que récite à ses élèves depuis des années le personnage principal, professeur dans un lycée, dont le fils unique a été sauvagement assassiné par un prédateur sexuel. Après avoir purgé une courte peine de prison, celui-ci revient vivre dans le village, à proximité des familles des victimes.

Inspirée d’un fait divers, la pièce met en scène le traumatisme de ce père autoritaire qui revit continuellement les conditions dans lesquelles a été tué son fils, un jeune homme de dix-sept ans à qui il a donné une éducation stricte. Au gré de ses allers-retours quotidiens entre sa maison et l’établissement scolaire dans lequel il travaille, le dicteur de Copenhague traverse une Colombie au double visage, à la fois animée d’un esprit festif et en proie à la guerre et la violence des cartels.

Les différents personnages qu’il croise sur son chemin (un mendiant menant une existence tout aussi esseulée que la sienne, la foule en liesse, les voyageurs anonymes de l’aéroport de la capitale qu’il fréquente assidûment, les soldats chargés d’instaurer le couvre-feu ou un ancien élève que ses enseignements ont marqué à jamais) le ramènent inévitablement à la situation tragique que connaît le pays, à la sienne propre et à l’impossibilité de faire son deuil.

Ses pas finissent par le conduire chez l’assassin de son fils, qui dit avoir rencontré Dieu en prison et s’être amendé. Mais le dicteur, personnage non dénué lui-même d’ambigüités en particulier dans le rapport qu’il entretient avec l’une de ses élèves, peut-il vraiment pardonner ?

Regard du traducteur

À travers les thématiques qu’elle aborde (la difficulté de faire son deuil et le désir de rendre justice soi-même dans une société où semble régner une certaine impunité), cette pièce met en lumière certaines problématiques propres à la Colombie actuelle. Le personnage du père, dicteur entêté et apparemment porté par un certain idéal de justice et de pureté morale, ne parvient pas à surmonter la mort de son fils assassiné. À la fois présence fantomatique lancinante et souvenir douloureux indéracinable, celui-ci ne cesse de revenir pour dire l’impossible réparation d’un passé marqué par l'injustice. 

Près de sombrer dans la folie, le dicteur s’enferme dans son obsession et dans sa culpabilité, et enferme avec lui le lecteur dans un texte dont la forme même (jeux de répétitions constants, récurrence de certains motifs, longues coulées verbales) s’attache à traduire le ressassement du trauma et l’espèce de circuit fermé dans lequel est prise la psyché malade du personnage. Victime collatérale d’une société qui n’a pas su protéger son fils et pathologiquement atteint par les circonstances vitales qui sont les siennes, il donne l’impression de tourner littéralement en rond (de sa maison au lycée, du lycée au parc, du parc à sa maison, et ainsi de suite), à l’image des dictées qu’il répète à l’envi et qui tournent en boucle dans son esprit, comme autant de pensées impossibles à déloger.

La pièce évite néanmoins toute lecture manichéenne puisque l’attitude et les désirs de ce professeur inflexible sont loin d’être irréprochables et que l’assassin de son fils, qui a eu affaire à la justice des hommes, tout imparfaite qu’elle est, semble s’être rédimé. C’est précisément cette zone grise entre justice et vengeance, condamnation et reconstruction, caractère indépassable d’une expérience traumatique et acceptation de celle-ci, que la pièce explore avec justesse et clairvoyance.