...and breathe normally (... et respirez normalement)

de Julio Provencio

Traduit de l'espagnol par Adeline Isabel-Mignot

Avec le soutien de la MAV

Écriture

  • Pays d'origine : Espagne
  • Titre original : …and breathe normally
  • Date d'écriture : 2020
  • Date de traduction : 2022

La pièce

  • Genre : monologue
  • Nombre d'actes et de scènes : 1
  • Décors : la cabine d'un avion
  • Nombre de personnages :
    • 1 au total
    • 1 homme(s)
    • 2 voix off, 1 homme, 1 femme
  • Durée approximative : 70 mn
  • Domaine : protégé

Édition

Cette traduction n'est pas éditée mais vous pouvez la commander à la MAV

Résumé

La pièce commence avec l’arrivée de l’unique personnage, qui monte à bord d’un avion. C’est un habitué des vols en Europe, qui connaît sur le bout des doigts les avantages du check-in anticipé et les placements dans l’avion.

Il rentre chez lui, après les attentats qui ont eu lieu à Bruxelles.

L’ambiance dans la cabine avant le décollage est incertaine, à la fois éthérée et angoissante.

Le trajet va être l’occasion pour le voyageur, dans les airs, toujours en Europe mais sans en fouler le sol, de se saisir de ce point de recul pour analyser les faits, et ses ressentis. Le voyageur reçoit l’onde de choc des évènements. Il questionne : pourquoi le tragique de la situation n’est pas répercuté dans les réactions autour de lui ? Comment être à la hauteur des victimes ? Des bourreaux ?

Lorsque le steward – un trentenaire de type maghrébin – entre en jeu, le voyageur convoque le souvenir d’un ami d’enfance perdu de vue, ce qui lui permet de mettre en perspective les différentes trajectoires socio-culturelles. Il arrive ainsi à confronter les positions, et à les imaginer interchangeables, au point d’imaginer un rituel d’échange, où il se met à la place du steward, à qui il se met à prêter de supposées intentions terroristes.

L’atterrissage approchant, le voyageur éclaircit ses idées. C’est le moment de réévaluer les hypothèses suivies lors du vol, et d’envisager la possibilité d’atterrir quelque part où l’introspection commune, par la fiction, puisse avoir du sens.

Regard du traducteur

Le point de départ dramaturgique d’un vol Paris-Madrid donne à la pièce la dimension d’un voyage dans le vécu, les réflexions et les souvenirs du protagoniste – témoin des attentats de Paris et Bruxelles –, un voyage intérieur de l’ordre vers le chaos, de la sécurité à l’alarme, de la modération à l’extrémisme, de l’Europe de la raison à l’Europe de la peur.

…and breathe normally (… et respirez normalement) se saisit de ce moment infime où le temps, la morale, les émotions sont en suspens et où il devient urgent de découvrir qui nous sommes avant que la pause collective ne se termine, pour questionner le mode de vie occidental. Comment en sommes-nous arrivés là ? Qui sont les assassins ? Qui sont les victimes ? Qui sont les survivants ?

Si ce monologue est à l’évidence une fiction, il existe pourtant bien un glissement permanent entre le personnage principal, le narrateur et l’auteur. La proximité de ce dernier avec les évènements rappelle à quel point ce texte est personnel.

Le texte questionne la centralité réelle par rapport à un évènement historique. Quand bien même l’auteur n’est pas le centre des évènements, il montre qu’il existe une nécessité de se placer au centre, de s’accaparer l’évènement, et il s’attache à en ressortir. S’il pourrait sembler qu’on assiste à une écriture thérapeutique, on la dépasse cependant grâce à la forme : le texte approche ces thématiques avec des réflexions lucides. Julio Provencio cite en exergue Hamlet-Machine d’Heiner-Müller (la solitude des aéroports, les existences qui permettent la mienne), ainsi qu’Onda expansiva du poète espagnol P. Provencio (poésie chorale dans les voix des victimes de l’attentat de Madrid en 2004) avec justesse, car on retrouvera chez lui une langue riche dont la poésie prend ses racines dans le réel.