Une excellente adresse

de He Jiping

Traduit du chinois par Pascale Wei-Guinot

Avec le soutien de la MAV

Écriture

  • Pays d'origine : Chine
  • Titre original : Tianxia Diyi Lou
  • Date d'écriture : 1988
  • Date de traduction : 2016

La pièce

  • Genre : Tragi-comédie à caractère historique et sociale
  • Nombre d'actes et de scènes : Acte 1, Acte 2 (Scènes 1 et 2), Acte 3, Épilogue.
  • Nombre de personnages :
    • 14 au total
    • HOMMES : 13 principaux + 12 secondaires + des serveurs, des clients, des policiers, des porteurs. FEMMES : 1 + quelques prostituées
  • Durée approximative : 150 mn
  • Création :
    • Période : 13 juin 1988
    • Lieu : Théâtre d'art du peuple de Pékin
  • Domaine : protégé

Édition

Cette traduction n'est pas éditée mais vous pouvez la commander à la MAV

Résumé

Histoire mouvementée d'un restaurant de canard laqué à Pékin entre 1917 et 1928

Pékin, début du XXème siècle. Le restaurant de canard laqué Fujude (prononcer Fou djü de), dont la réputation n'est plus à faire dans la capitale, connait quelques problèmes de gestion. Le vieux propriétaire et gérant Tang Deyuan, affaibli par la maladie, s'est retiré des affaires laissant la gestion du restaurant à ses deux fils. Malheureusement, aucun des deux ne prend la chose à coeur. L'un ne jure que par l'opéra et l'autre par les arts martiaux.

Ce jour-là au Fujude, on fait les comptes et les payes doivent être distribuées. Chang Gui, le chef de salle, a réussi par ses belles paroles mais aussi en se retranchant derrière le respect dû au vieux Tang Deyuan, à faire patienter les créanciers venus réclamer leur dû, mais la situation financière du restaurant est désastreuse. Les deux fils flambent l'argent du restaurant ! Serveurs et commis ne sont quasiment plus payés et le maître rôtisseur, Luo Datou, veut démissionner. Tang Deyuan meurt après avoir exhorté son assistant Wang Zixi, le second du Fujude, à engager Lu Mengshi au plus vite. Lui seul pouvant sauver l'établissement.

Lu Mengshi s'est toujours juré d'embrasser une noble profession qui lui permette de se décharger de sa rancune et de palier à l'injustice dont son père, un ancien chef cuisinier au service d'une grande enseigne, a été victime en son temps. Lu Mengshi saisit le problème à bras-le-corps et en peu de temps, non seulement il parvient à redresser l'affaire mais il transforme le modeste restaurant en un beau bâtiment à étage. Bien entendu, rien de tout ça n'aurait été possible sans l'aide de sa maîtresse Yuchu'er --- une jeune prostituée de la Ruelle aux dames, de son maître rôtisseur Luo Datou ainsi que de son chef de salle Chang Gui qui sait si bien s'y prendre avec les clients. Lu Mengshi gère au mieux les relations humaines et fait preuve d'une grande imagination. C'est à lui que nous devons le "festin de canard", ce repas en plusieurs étapes au cours duquel absolument toutes les parties du canard sont cuisinées dans un festival de recettes diverses et variées. Désormais les affaires prospèrent.

Dix ans ont passé, les deux frères Tang sont maintenant bien décidés à profiter au maximum de la réussite du restaurant. L'aîné exige de prélever de l'argent sur les recettes pour ses besoins personnels et le cadet mute Chang Gui -- le chef de salle -- en province. Après une vie de sacrifices auprès de ses patrons, ce dernier meurt en plein service. Quant à l'indispensable Luo Datou, on retrouve de l'opium sur lui et il risque d'être exhibé comme voyou, la cangue autour du cou, et promené dans toute la ville, à moins que quelqu'un ne se porte garant.... Lu Mengshi ne supportant pas de voir son personnel subir un tel sort, décide d'endosser toute la responsabilité. Une fois la situation apaisée, lucide mais impuissant face à cette nouvelle épreuve que lui réserve la vie, il quitte définitivement le restaurant et retourne dans sa province natale. Avant de partir, il laisse aux propriétaires trois panneaux sur lesquels, par le biais de sentences parallèles, il dit combien il n'a pas hésité à se donner corps et âme pour sauver le restaurant quand celui-ci était au bord du gouffre et à en faire un établissement grandiose ; mais que si les patrons, plutôt que de jouir des plaisirs d'une affaire qui marche, préfèrent se disputer les profits et saborder le navire, le bonheur simple et harmonieux de l'époque où le restaurant n'était encore qu'une simple gargote se révèle dans ce cas là bien plus précieux.... Puis de conclure : "Tout banquet a une fin".

Regard du traducteur

À la façon de La Maison de thé de Laoshe, Une excellente adresse plante son décor en 1917 dans un restaurant de canard laqué pékinois.

L'histoire se situe au début du XXème siècle, quand, au terme de la révolution de 1911, la Chine impériale devient Chine républicaine. L'auteure, qui nous révèle tout l'arrière plan social et politique de l'époque avec ces nombreux bouleversements et revirements de situation, constate que plus la société va mal et sombre dans le chaos, plus les gens vont au restaurant.

Les bouleversements en Chine étant à répétition, la question de savoir comment le peuple gère ces changements souvent brutaux et radicaux sera toujours d'actualité...

La pièce est un merveilleux documentaire sur les métiers de la restauration et sur une tradition, aux secrets bien gardés, perpétuée par de véritables artistes du canard (laqué) ! Elle est aussi un excellent manuel de gestion d'entreprise à la chinoise. Elle est surtout (on s'y serait attendu) une réflexion sur la nature humaine illustrée par moult situations cocasses et dramatiques parfois issues de faits réels, parfois tout droit sorties de l'imaginaire de l'auteur.

Contrairement à La Maison de thé, la politique n'étant pas ici au premier plan, cela a permis à Une excellente adresse d'être la première pièce de Chine populaire jouée à Taiwan en 1992.

Pièce réaliste dans la tradition du Théâtre d'art du peuple, elle est 100% pékinoise. Le public de Pékin l'aime pour cela et le public d'ailleurs l'aime pour ce qu'il apprend sur les pékinois.

Hormis son canard laqué qui fait saliver, la saveur de cette pièce réside dans la langue employée : du vrai pékinois et non un mandarin édulcoré voir aseptisé comme l'on demande encore trop aux dramaturges de pratiquer.