Écriture

  • Pays d'origine : Grèce
  • Titre original : Textilen
  • Date d'écriture : 2010
  • Date de traduction : 2011

La pièce

  • Genre : drame
  • Nombre d'actes et de scènes : 19
  • Nombre de personnages :
    • 9 au total
    • 3 homme(s)
    • 6 femme(s)
  • Durée approximative : 1h30
  • Domaine : protégé

Édition

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Résumé

C’est, en 19 tableaux intitulés chacun d’un titre de chanson enfantine, la peinture d’une famille bourgeoise de droite et traditionnelle, à l’occasion du décès du grand-père (de mort naturelle ou assassiné…) – et aussi avant et après ce décès, car le temps est hors de ses gonds, dans cette pièce. On apprend l’histoire de l’entreprise familiale (une entreprise de textiles, d’où le titre), au détour des répliques des uns et des autres, tous présents sur la scène mais qui ne se parlent jamais sauf par l’entremise des domestiques. Le grand-père (invalide) est devant la télévision (cours de la bourse et films porno) ; le père raconte sa vie conjugale – la rencontre d’une collègue, mariage, naissance de la fille, puis la dégradation quasi immédiate des relations dans le couple ; la bonne raconte comment son patron abuse d’elle ; la fille fait semblant de témoigner de l’affection au grand-père dont tous attendent la disparition ; la mère est parfaite dans son rôle d’éducatrice et conseillère pour l’avenir de la fille qui devrait songer à s’installer à son tour dans une vie conjugale bien réglée… Des voix (non identifiées – double des personnages ? regards extérieurs ?...) ponctuent les propos et commentent les gestes des personnages, un « homme-qui-marche » traverse sans cesse le plateau sans être vu des autres – mais à lui rien n’échappe. Violence des gestes et des échanges, temps bousculé (un personnage mort resurgit ; on voit le grand-père vivant alors que la scène se situe après son enterrement etc.), conventions sociales mises à mal…

Regard du traducteur

Traductrice de l’œuvre de Maria Efstathiadi depuis plusieurs années, je repère à la fois la cohérence et l’évolution de son travail, qui se déploie tantôt sous une forme romanesque tantôt sous une forme dramatique, les textes empruntant d’ailleurs parfois aux différents genres – ce qui explique entre autres pourquoi un roman comme Presqu’un mélo a pu facilement séduire une réalisatrice de cinéma (NB : le film, produit par ARTE, sort à l’automne 2010).
L’un des fils rouges de l’œuvre de Maria Efstathiadi est une peinture de la société contemporaine et des failles qui la parcourent et parfois la déchirent, sous l’angle d’une communauté : le milieu du travail (une agence de voyage et ses employés, dans Presqu’un mélo), la famille (dans Hôtel de la maison rouge – inédit et en cours de traduction ; ou dans Textilen). Ces failles résonnent et font s’ébranler tout l’édifice.
Dans celle pièce-ci, la violence vient de différents endroits (mots crus, gestes, contraste entre lieux de l’enfance et atmosphère de mort et de perversité). Différents registres cohabitent : les registres de langue – la langue est souvent en décalage, déphasée par rapport au cadre bourgeois ; la structure de la famille dans son décor bourgeois et rangé comme pour mieux masquer un désordre intrafamilial sur le point d’exploser et une déstructuration des individus eux-mêmes. Le temps est mis à mal, défait. Seules les voix savent lire la réalité des tensions qui organisent la vi de la famille et son histoire depuis des années, et l’homme-qui-marche vient à la fois souligner ce cadre familial apparemment structurant (par ex. conventions sociales) et opérer comme une dénonciation de son fonctionnement.
Cette famille est à l’image de la société, dans tous les sens du mot : comme entreprise, comme ensemble d’individus organisant et régulant une vie commune. D’où la force métaphorique de la pièce, qui ne se maintient pas dans un cadre bourgeois qui serait analogue à celui du théâtre scandinave du XIXe siècle. Maria Efstathiadi, par ces jeux entre générations, enfance et monde adulte, désirs enfouis qui s’expriment malgré tout et déception des uns et des autres, langage inadéquat et violence des gestes, propose une métonymie qui dit à la fois la violence, la destruction, l’inadéquation, désormais, de modèles qui structuraient la société : la famille n’a plus le rôle qu’elle avait en Grèce jusqu’il y a peu (les années 1990 ? le sida est mentionné), tout comme la société souffre d’être « détissée » : les fils ne se croisent plus comme ils devraient, il ne forment plus de text(il)e.
C’est une pièce grecque dont on pourrait dire qu’elle a absorbé la tradition du théâtre grec antique – le chœur, les tensions qui font penser aux Atrides (le nom d’Égisthe st explicitement mentionnée) – mais c’est une pièce contemporaine et dont le propos s’élève bien au-delà de la Grèce, antique ou contemporaine.