Nez rouges, Peste noire

de Peter Barnes

Traduit de l'anglais par Gisèle Joly

Avec le soutien de la MAV

Écriture

  • Pays d'origine : U.K.
  • Titre original : Red Noses
  • Date d'écriture : 1978
  • Date de traduction : 2008

La pièce

  • Genre : Farce ou comédie noire
  • Nombre d'actes et de scènes : Pièce en deux actes (7 scènes dans le I, 4 dans le II)
  • Décors : plateau nu, place publique, antichambre du pape, tréteaux de bateleur, bûchers et potence.
  • Nombre de personnages :
    • 39 au total
    • 29 homme(s)
    • 10 femme(s)
  • Durée approximative : 3 heures
  • Création :
    • Période : 2 juillet 1985
    • Lieu : Royal Shakespeare Company au Barbican Theatre, Londres
  • Domaine : protégé par l’agence Casarotto (agent : Tom Erhardt)

Édition

Résumé

La France en 1348, pendant la guerre de Cent Ans. La peste noire sévit à travers toute l’Europe. La société et ses institutions sont en plein chaos. Le pape Clément VI siège entre deux braseros et donne audience par miroir interposé pour se protéger de l’infection. Les flagellants parcourent le pays, offrant la rédemption par la souffrance. À Auxerre, au cœur de l’épidémie, un prêtre croit avoir reçu du Très-Haut la mission d’adoucir les peines de ses contemporains par le rire et décide de « soulager la Création de sa servitude par la gaieté ». S’adjoignant les talents de ceux que le hasard (Dieu ?) envoie sur sa route, le père Flote crée une confrérie de la Joie, « les Pitres du Christ », soutenue au début par la papauté (contente de le voir occuper les esprits pendant que les pouvoirs en place ont couru se mettre à l’abri). Mais, aussitôt la peste disparue, le mouvement des flotistes, qui refusaient de continuer à distraire le peuple pour qu’il se laisse mieux opprimer, sera brutalement anéanti, en même temps que les autres groupes dissidents, religieux ou politique, avec qui ils avaient fait alliance.

Regard du traducteur

Nez rouges, Peste noire est un « ovni ». Formidable hommage à la vie, cette pièce contemporaine « baroque » célèbre l’indépendance de l’esprit humain et le pouvoir subversif du rire. Elle a été récompensée à sa création, en 1985, par le prix Laurence Olivier de la meilleure œuvre dramatique, la plus haute distinction que puisse obtenir une pièce au Royaume-Uni. Et pourtant, la mise en scène de la RSC avait fait subir à l’œuvre originale des coupes radicales qui l’avaient virtuellement éviscérée de son contenu politique et contestataire. La version publiée par Faber and Faber, et traduite ici, se situe à mi-chemin entre cette version expurgée de la RSC et le manuscrit original de 1978, Red Noses, Black Death.

Comme tout le théâtre de Peter Barnes (1931-2004), elle s’attaque à l’establishment politique, économique et religieux. Son style néo-jacobéen (Barnes était un grand admirateur de Ben Jonson) associe à la vision truculente d’un groupe d’êtres humains en société une théâtralité se régalant de ses propres procédés, forte de son non-naturalisme et non-conformisme, où la tradition côtoie la modernité ; la vérité historique, l’anachro­nisme. La langue est extrêmement riche, exubérante, truffée de jeux de mots et de sous-entendus. D’énormes gags, souvent empruntés au burlesque ou au music-hall, voisinent avec les allusions littéraires ; des références à la culture populaire moderne (chansons, films, comédies musicales, séries télévisées) font bon ménage avec des tournures archaïques ou de pures créations barnesiennes ; des passages poétiques se trouvent accouplés à des expressions vulgaires, voire obscènes ; le tout entremêlé de musique, de chansons et de danses.

Comme ces auteurs élisabéthains qu’il affectionnait, Peter Barnes se sert de l’Histoire et du passé pour nous faire réfléchir sur notre présent. Comme Brecht, qu’il admirait, il pratique la distanciation mais ses moyens à lui sont l’humour – comique bouffon ou trait d’esprit – l’aphorisme et la mise en abîme. Un critique a fait remarquer qu’ « il utilise les ressorts du théâtre dans un merveilleux envol de l’imagination, libre de toute attache et de toute retenue, comme si vous pouviez mettre en scène vos propres rêves ».

Son intérêt aujourd’hui ? Pour les réflexions qu’elle nous inspire sur la place du religieux et du politique dans la vie humaine et l’aspiration éternelle de l’homme à quelque chose qui le dépasse, sur le sens de la communauté et de l’action collective, sur le danger de récupération du rire administré en sédatif, alors que « chaque plaisanterie devrait être une petite révolution ».