Marée

de Marcio Abreu

Traduit du portugais par Thomas Quillardet

Avec le soutien de la MAV

Écriture

  • Pays d'origine : Brésil
  • Titre original : Maré
  • Date d'écriture : 2015
  • Date de traduction : 2020

La pièce

  • Nombre d'actes et de scènes : 4 scènes
  • Décors : un intérieur dans une favela de Rio de Janeiro
  • Nombre de personnages :
    • 6 au total
    • 1 homme(s)
    • 2 femme(s)
    • Une scène est écrite pour trois enfants
  • Durée approximative : 35 mn
  • Création :
    • Période : mai 2016
    • Lieu : Belo Horizonte (Brésil)
  • Domaine : protégé

Édition

Cette traduction n'est pas éditée mais vous pouvez la commander à la MAV

Résumé

Marée, ou Groupement de favelas de la Marée, est un des plus grands ensembles de favelas de la ville de Rio de Janeiro. Il est situé dans la zone nord de la ville. En 2013, quand le Brésil a connu une série de protestations et de manifestations aux revendications multiples (les Journées de juin), il y eut un massacre à Marée. A Marée, comme dans d’autres favelas de Rio de Janeiro et du pays, depuis très longtemps, des massacres sont perpétrés par la police et par les organisations criminelles. La pièce de Marcio Abreu prend cet événement pour nous plonger dans l’intimité et le quotidien d’une famille de Marée. Un couple, ses enfants et leur grand-mère vont vivre un moment de bascule et de violence. L’auteur chronique le moment précis où l’injustice et la mort saisissent des êtres innocents et emportent leur douceur. Comment la violence surgit dans le quotidien ? Comment le banal rencontre l’accident ? Par cette famille, Marcio Abreu nous donne à voir tout un Brésil qui souffre et met la lumière sur les massacres perpétrés dans ces zones où les habitants sont dépourvus de droits humains élémentaires.

Regard du traducteur

Cette pièce de Marcio Abreu est saisissante car elle travaille sur des procédés d’écriture qui rentrent en tension, provoquant ainsi un véritable choc syntaxique. Ce choc met en valeur la violence du moment traversé par les personnages.  

Sa forme courte

L’auteur choisit d’écrire une pièce volontairement courte pour mieux saisir l’instant. Il a décidé de ne pas s’embarrasser d’une narration classique mais bien de nous faire vivre l’intérieur et l’intimité d’une famille. Les personnages n’ont pas de noms. Ils sont nommés par leurs archétypes : Homme, Femme, Grand-mère, Enfants. Car il ne s’agit pas ici de nous faire entrer en empathie avec une situation familiale particulière. Non, il s’agit de nous faire vivre le triste quotidien des familles qui vivent dans les favelas brésiliennes. De rendre leur douleur universelle en quelque sorte. Marcio Abreu s’intéresse au moment où tout bascule. Pour cela il crée une situation banale d’une famille qui rentre du travail, qui dîne et qui s’apprête à dormir. Il va ainsi créer un quotidien agréable et enveloppant (même si une inquiétude sourde règne tout au long de la pièce) jusqu’à ce qu’une explosion vienne faire basculer cet amour, cette douceur, ce cocon. Il fallait à l’auteur une forme aussi courte et tranchante pour saisir cet instant de bascule. Par cette forme sèche, brute, concrète, l’auteur évite ainsi toute impudeur, toute gêne. Il se concentre sur la violence brute et injuste. Sa pièce EST l’explosion meurtrière et à l’inverse l’explosion meurtrière EST sa pièce. 

Son écriture sonore

Marée est un défi pour la mise en scène et pour les acteurs. Marcio Abreu a choisi de ne mettre aucune ponctuation dans les paroles des personnages. L’auteur parle d’ailleurs dans cette pièce de « paroles musicales » et de scènes « presque simultanées ». Il entend par-là affirmer que cette pièce est à entendre. C’est la parole qui est active et moins le corps. Il redonne la parole et la pensée à des êtres qu’on n’entend pas ou trop peu. Ce sont leurs mots qui sont mis en avant et qui sont le poème. Dans cette pièce, on entend à la fois les monologues intérieurs des personnages mais aussi des bouts de dialogues. On entend leurs pensées intimes et leurs dialogues quotidiens. La force de cette écriture est que, malgré une certaine distance et un certain formalisme, nous arrivons à nous attacher à ces paroles. Elles nous deviennent proches et familières. Nous rentrons dans un langage et c’est ce langage qui sera balayé par l’explosion meurtrière. La vie éparpillait les mots. La mort imposera son silence. La pièce peut-être jouée en quatre scènes séparées mais elle pourra aussi être jouée en quatre scènes simultanées. Le langage et la parole seront alors soit polyphoniques soit mêlés et constellés.