L’Orgue de Barbarie

de Andreï Platonov

Traduit du russe par Alexis Berelowitch

Avec le soutien de la MAV

Écriture

  • Pays d'origine : Russie
  • Titre original : Шарманка
  • Date d'écriture : 1930
  • Date de traduction : 2022

La pièce

  • Genre : Tragi-comédie grotesque
  • Nombre d'actes et de scènes : trois actes et six tableaux
  • Décors : 1er tableau de l’acte I : paysage nu de la plaine russe ; Tous les autres tableaux : intérieur d’une administration soviétique.
  • Nombre de personnages :
    • 24 au total
    • 17 homme(s)
    • 7 femme(s)
    • Nombreux personnages épisodiques.
  • Durée approximative : 120 mn
  • Domaine : public

Édition

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Résumé

Deux musiciens errants, Alexis et Mioud (une toute jeune fille) vont de kolkhoze en kolkhoze et de chantier en chantier avec leur orgue de Barbarie pour trouver le socialisme et participer à sa construction. Ils sont accompagnés par un homme de fer, sorte de robot éructant des slogans.
Ils rencontrent un savant danois, Stervetsen, accompagné de sa fille Sérèna, qui est venu en Union soviétique acheter ou obtenir par échange une « âme de choc », dont l’Europe a besoin.

Alexis et Mioud arrivent dans une petite ville et se retrouvent dans le bâtiment d’une coopérative (en fait une administration) chargée de collecter des produits alimentaires naturels (baies, champignons, etc.) et de les répartir dans le réseau des boutiques villageoises. Toute l’administration, menée par le bureaucrate Evseï, est occupée à créer des instructions et satisfaire les lubies du chef, Schoïev. Alexis et Mioud ne comprennent rien à ce qui se passe.

Arrivent le savant Danois et sa fille. À défaut d’une âme, non disponible, il propose d’acheter une superstructure. Mais celle-ci se révélant trop chère, il se rabat sur une directive ou même une simple instruction. Suivent les marchandages, les deux responsables de la coopérative dépouillant les étrangers de tous leurs vêtements en échange des directives.

La coopérative est envahie par des oiseaux et des poissons. Alexis, passionné de technique, construit des appareils qui apportent automatiquement des plats et, à cette occasion, les deux chefs, Schoïev et Evseï, organisent un grand bal précédé d’un « festin » fait de nourriture immangeable ou imaginaire (sauterelles, soupe de bardanes, boulettes de « terre noire », etc.). Tous sont malades.

Le lendemain se tient une assemblée générale des membres de la coopérative pour décider qui va aller en Europe en tant que porteur en son sein d’une âme de choc. Sérèna insiste pour que l’envoyé soit Alexis, dont elle est tombée amoureuse. En tant qu’inventeur de l’homme de fer qui lance des slogans qui ne sont pas dans la ligne, Alexis est accusé d’opportunisme par Schoïev et Evseï. Toute l’assemblée se déchaîne contre Alexis qui reconnaît ses fautes et se repent. Devant l’absence de véritables directives et d’âmes de choc, Stervetsen exige qu’on lui rende ses affaires et décide de partir.

À ce moment-là, Schoïev découvre un document qui décidait la dissolution, plusieurs mois auparavant, de la coopérative. Ils n’existaient donc pas. Alexis s’étant rendu, Mioud part seule à la recherche du socialisme et chante s’accompagnant de l’orgue de Barbarie.

Regard du traducteur

L’Orgue de Barbarie, malgré la parodie du langage et du comportement bureaucratiques des nouveaux chefs (nous sommes au début de 1930), n’est pas une satire du régime, ou du moins tel n’est pas son axe principal. Les personnages centraux, Alexis et Mioud, errent dans le pays des soviets à la recherche du socialisme, tout comme les héros de À l’Avance, ou veulent le construire, comme les protagonistes de Tchevengour. La pièce repose sur la tension que crée le contraste entre la recherche du socialisme de la part de jeunes idéalistes et le cynisme des bureaucrates soviétiques chez qui, naïfs, ils espéraient trouver le socialisme. Alexis y perd sa foi, ou du moins accepte l’étiquette d’opportuniste après avoir été anéanti moralement dans une scène de violence collective qui préfigure les grandes séances de dénonciation des « ennemis du peuple » au cours des années 1930. On ne peut s’empêcher d’y voir un parallèle avec le sort qui fut fait à Platonov lui-même. Mais Mioud, elle, part seule pour continuer à chercher le socialisme. Terminant ainsi sa pièce (si ce n’est la réplique énigmatique du savant danois venu en Union soviétique acheter de l’âme révolutionnaire : « Tout cela c’est la superstructure de l’âme qui pleure sur l’Europe »), Platonov semble nous dire que même si le pays qui l’entoure est la proie des cyniques, arrivistes et bureaucrates, il faut continuer de chercher l’idéal socialiste.

L’Orgue de Barbarie jouant sur les divers registres du langage révolutionnaire, tantôt sincère et naïf, tantôt fait de clichés « révolutionnaires » et de slogans bureaucratiques, remplis d’allusions à des événements récents est difficilement traduisible. Et ce n’est pas un hasard si le théâtre de Platonov n’est pratiquement pas traduit, à l’exception des Quatorze izbas rouges, jouées au Théâtre national de la Colline.

Il s’agit donc, de ma part, d’une tentative, probablement inaboutie, de rendre accessible en français une des pièces les plus significatives d’Andreï Platonov.