L’Heure de religion

de Davide Carnevali

Traduit de l'italien par Caroline Michel

Avec le soutien de la MAV

Écriture

  • Pays d'origine : Italie
  • Titre original : L’ora di religione
  • Date d'écriture : 2014
  • Date de traduction : 2014

La pièce

  • Genre : Comédie grinçante
  • Nombre d'actes et de scènes : 1 scène
  • Décors : Une salle de classe très petite
  • Nombre de personnages :
    • 3 au total
    • 2 homme(s)
    • 1 femme(s)
  • Durée approximative : 20mn
  • Domaine : protégé

Édition

Cette traduction n'est pas éditée mais vous pouvez la commander à la MAV

Résumé

Dans cette très courte pièce Davide Carnevali donne à entendre trois voix :
celle de deux enfants, l’un israélien et l’autre, par déduction - puisque cela n’est que suggéré par la différence de leurs couleurs de peau - palestinien. Le troisième personnage étant la maitresse d’école, qui s’avèrera être également la mère de l’enfant israélien.

Nous sommes dans un décor minimal et miniature, à l’image de la taille exceptionnellement concise de l’œuvre elle-même : une salle de classe exigüe où ne rentre qu’un seul bureau aux chaises solidarisées, contraignant les deux élèves à supporter la présence de l’autre à ses côtés. Nous sommes dans un cours de religion où les deux élèves ont pour devoir de dessiner leur maison et leur famille.
D’entrée de jeu, la mésentente éclate. D’un conflit qui paraît de prime abord anodin et léger, comme celui que peuvent se livrer quotidiennement les enfants à l’école, Davide Carnevali déplace progressivement son propos vers la question de l’intolérance, de la différence de race, de religion, laissant émerger entre les insultes et les mots enfantins
des allusions directes à la question du conflit isréalo-palestinien, celui de la shoah, mais d’une façon plus large et générale, purement et simplement, à la question de la guerre.
Cette guerre, Davide Carnevali propose ici en quelques traits essentiels, de nous en brosser le tableau originaire: il y a l’enfant qui a un crayon, un goûter, une maison, une mère, et l’enfant qui n’a pas de crayon, pas de goûter, pas de maison, pas de mère. Autour de ces différences « d’avoir » se tissent les différences « d’être », l’un est blanc, l’autre est noir, l’un est israélien, l’autre ne l’est pas, l’un est juif, l’autre sans doute musulman.
Et devant ces disparités, il y a le monde des adultes (et de l’éducation) représenté par l’institutrice qui incarne le mensonge social, l’attitude bien pensante qui sauve la face, mais qui dans le fond et à la fin, trahit une pensée et une attitude fascistes et autoritaires, qui défend ses intérêts personnels (son fils) au détriment de ce qui ne la concerne pas (l’enfant étranger). Une posture éducative autrement dit privée de toute objectivité et responsabilité.

Regard du traducteur

À travers une pièce miniature Davide Carnevali nous livre un écho des conflits humains engendrés par la revendication du territoire et la croyance religieuse dans le propre Dieu de chacun.
Dans l’infiniment petit, (deux mètres carrés, deux enfants avec leur maitresse), la source éternelle des guerres entre des hommes, si proches par ailleurs, se révèle avec une apparente simplicité.
La croyance de l’un devient le mensonge de l’autre et inversement.
La pièce de Davide ouvre sur des interrogations philosophiques :
La religion en elle même est-elle une vérité ? Et si oui, alors quelle religion serait plus vraie que les autres ? Ou bien à l’inverse, la religion ne serait –elle pas l’un des plus grands mensonges de tous les temps ?

L’écriture de Carnevali ne se livre pas au premier abord tant les dialogues sont simples et économes. Ce sont des enfants qui portent en eux ces conflits. Ils incarnent la répétition, l’intemporel, mais pourraient fort bien être interprétés à la scène par des acteurs adultes.
Ce texte théâtral à la brièveté spectaculaire, porte en lui toutes les qualités que nous connaissons maintenant de l’écriture de Davide Carnevali : d’un sujet grave et douloureux, l’auteur fait acte d’humour et de questionnement avant tout. Il nous dérange tout en nous faisant rire, comme par exemple ici lorsqu’un pet d’enfant se fait l’écho d’une arme chimique.
Dans sa forme et sa force, L’heure de religion n’est pas sans rappeler la célèbre nouvelle de Dino Buzzati « Pauvre petit garçon », où l’auteur met en scène les premiers conflits existentiels, dans un bac à sable, du petit Dolfi, qui se révèlera à la chute de la nouvelle Adolf Hitler en personne. Comme dans cette étonnante nouvelle, Carnevali nous rappelle ici que l’essence de toute guerre est en germe dans l’histoire originelle de chacun. Là encore, comme dans les autres pièces de l’auteur, la grande et la petite histoire finissent par se rencontrer, s’interpénétrer, pour se nourrir et se questionner l’une l’autre.

La traduction de L‘heure de religion cherchera à transmettre cette ambivalence entre l’inconscience naïve et la cruauté belliqueuse des humains dont le territoire est en danger. Elle cherchera à faire partager le ludisme malicieux et la profondeur de pensée de cet objet artistique miniature et inattendu.

Davide Carnevali est un des jeunes auteurs italiens les plus brillants de sa génération, ses œuvres traitent de sujets universels, de questions politiques et sociétales avec humour et fantaisie. Il fait toujours preuve d’une grande inventivité dans la construction dramatique. Il est important de suivre pas à pas ses écrits, de les traduire dans le présent car ses thèmes nous concernent, tout autant que sa poésie nous enrichit.