Le Son du ciel austral

de Elaine Acworth

Traduit de l'anglais par Isabelle Famchon

Écriture

  • Pays d'origine : Australie
  • Titre original : Composing Venus
  • Date d'écriture : 1994
  • Date de traduction : 1995

La pièce

  • Genre : Sans être du théâtre musical, la musique a une place majeure
  • Nombre d'actes et de scènes : 2 parties
  • Décors : Au fond de la scène, on voit l'arrière d'une vieille maison du Queensland, haussée sur des pilotis d'environ dix pieds. Des escaliers en bois descendent jusqu'à la cour. Sous la maison est placé un piano ainsi qu'un assemblage hétéroclite de ces choses que les gens remisent parce qu'ils ne peuvent pas se décider à les jeter. La cour et le dessous de la maison devraient raconter une histoire de terre rouge assoiffée.
  • Nombre de personnages :
    • 17 au total
    • 6 homme(s)
    • 11 femme(s)
  • Durée approximative : 120 mn
  • Création :
    • Période : 1994
    • Lieu : Queensland Theatre Company
  • Domaine : protégé : voir avec la traductrice
  • Lecture publique :
    • Date : 1995
    • Lieu : Comédie-Française (Vieux Colombier) dans le cadre de la Semaine Australienne organisée conjointement

Édition

Résumé

Le Son du ciel austral  pourrait être assez réaliste, n’était sa structure non linéaire, temporellement fractionnée et quasi musicale - faite de retours en arrière et de plongées vers le futur, de boucles et de leitmotivs temporels. A la fois rétrospective, ancrée dans le présent et soucieuse de l’avenir, elle raconte sur plusieurs époques entremêlées (principalement 1957, date du passage au-dessus du Queensland du sputnik - métaphore de la pièce, mais aussi 1925, 1934 et 1942) l’histoire d’une famille du Queensland, d’origine irlandaise, une petite dynastie féminine dont les hommes se sont très vite absentés et où l’énergie, la force de combattre se transmettent de génération de femme en génération de femme.

Les prénoms féminins ont des connotations irlandaises fortes, parfois même mythiques. Maeve, la grand-mère chercheuse d’or impénitente, libre et vigoureuse, Shiobhan sa fille et trois filles de Shiobhan du même lit mais d’âges très différents, Clivvy, Bea et  Biddy ; Un père berger longtemps parti dans les terres arides et dont l’une des principales fonctions lors de ses retours est de procréer, sans compter pour l’aînée un amoureux mort à la guerre et pour toutes des voisins figurants de la vie. Un lien intense entre la grand-mère et l’aînée Clivvy, à la fois fait de complicité malicieuse (« tu ne le diras pas à ta mère ») et de rêves partagés. C’est elle qui décide de tout sacrifier pour acheter un piano pour cette petite fille douée pour la musique. C’est elle aussi qui, à un moment dit à cette même petite fille, complice de ses escapades de chercheuse d’or « C’est juste, fillette, creuse, creuse. Et nous ferons route vers le monde dans un bateau d’or,  nous nous aventurerons jusqu’au distant Zanzibar. Nous escaladerons les sommets de nos rêves». C’est elle enfin dont la disparition enchaîne ses descendantes à la maturité.

Regard du traducteur

L’oeuvre est riche  d’incidences émotives, entrecroisant comme elle le fait plusieurs récits de passage,  vieillissement de la vaillante grand-mère, sortie physiologique de l’adolescence pour la plus petite des filles, acceptation des deuils pour la deuxième,  acceptation surtout de sa créativité et de son appartenance sensuelle à la terre australienne pour l’aînée, Clivvy, compositeur qui transforme en musique tous les évènements de sa vie réelle ou onirique, « magifiant» le monde alentour et qui après avoir longtemps rêvé de partir en Europe, s’aperçoit sous l’influence métaphorique du sputnik, que ses rêves peuvent aussi bien se gérer depuis sa petite ville du bout du monde.

Mais elle est principalement une réflexion sur les incidences réciproques  entre la création musicale et la vie (qu’est-ce que c’est qu’être compositeur - pour une femme en particulier -, quelle part de sa chair accorde-t-elle à la création?)

Mais aussi une réflexion sur la place possible de la musique dans le spectacle, ce qui peut en faire, selon les options et les goûts artistiques des différents metteurs en scène, soit simplement une pièce réaliste avec une présence musicale clairement définie, soit l’argument d’une grande oeuvre de théâtre musical.

Fait fondamental pour moi, la musique intervient non à titre d’incidente ou d’illustration, mais comme un des protagonistes majeurs, le véritable "héros" de la pièce, la force vive de l’inspiration qui mène les personnages au-delà d’eux-mêmes. Ainsi, si à mi-chemin de la pièce, Clivvy peut exprimer son désarroi devant un départ projeté mais que contredit la disparition curieuse de la grand-mère en s’adressant ainsi au fameux sputnik :

"Où es-tu escaladeur de ciel? Où es-tu donc, sputnik menteur? Je t’avais pris pour un signe, moi ! Je t’avais pris pour un recommencement. Nous allons pouvoir regarder depuis tout là-haut, je me  disais, nous allons pouvoir lever les yeux et savoir que nous sommes autre chose qu’accrochés à la terre, autre chose que de l’histoire. Nous sommes une race de compositeurs, c’est ça que nous sommes. Je le savais. Tu me l’avais dit. Je t’ai entendu me le crier. J’écoute. Tu m’avais dit lève les yeux et regarde le monde à neuf. Crée le à neuf. Hé bien chacun de mes souvenirs me dit que je ne le ferai pas - et je ne peux même plus entendre la musique. Pas un temps. Pas une mesure. Pas une note." Vers la fin, la musique la « sauve », l’aidant à regarder l’avenir en face.

(Extraits de l'article Du dudjeridju au piano ; LE SON DU CIEL AUSTRAL paru dans les Cahiers de la Comédie Française à l'occasion de la semaine australienne organisée…)