Le Faust macédonien

de Mladen Srbinovski

Traduit du macédonien par Athanase Popov

Avec le soutien de la MAV

Écriture

  • Pays d'origine : Macédoine
  • Titre original : Makedonski Faust
  • Date d'écriture : 1989
  • Date de traduction : 2010

La pièce

  • Genre : À mi-chemin entre le drame et la tragi-comédie.
  • Nombre d'actes et de scènes : 1 acte, 21 scènes ou tableaux
  • Décors : Un cercueil, une table, un ancien appareil photographique, une machine à écrire, des tas de marbre, une brouette, décors pour un cabinet présidentiel (fauteuil, etc.), décors pour représenter les appartements privés de Todor Živkov, la terrasse d’un café, un cimetière.
  • Nombre de personnages :
    • 15 au total
    • 10 homme(s)
    • 5 femme(s)
  • Durée approximative : 1h15
  • Création :
    • Période : Fin années 1990
    • Lieu : festival de l’été d’Ohrid, République de Macédoine
  • Domaine : Protégé : l'auteur

Édition

Cette traduction n'est pas éditée mais vous pouvez la commander à la MAV

Résumé

Faust est le pseudonyme de Venko Markovski (Skopje, 1915 – Sofia, 1988), considéré comme le premier poète moderne à avoir écrit en dialecte macédonien. Auparavant, les Macédoniens slaves écrivaient en bulgare ou en serbe. Si l’on excepte les chants folkloriques, qu’on a du mal à départager entre la littérature bulgare et la littérature macédonienne (puisqu’ils sont enseignés comme de la littérature nationale dans les deux pays), il a bel et bien existé quelques poètes ayant écrit en dialecte macédonien au dix-neuvième siècle, mais leur langue était encore proche du bulgare littéraire, mais surtout ils se considéraient eux-mêmes comme des Bulgares. Le premier à avoir voulu créer de la poésie nationale macédonienne est donc bel et bien V. Markovski. La prose en langue macédonienne littéraire est postérieure à 1945. Il existe des pièces de théâtre en dialecte macédonien avant cette date, mais leurs auteurs n’ont pas joué de rôle politique comparable à celui de Markovski.

 

Il faut tout de même préciser que Markovski a publié ses premiers poèmes dès 1938 (à Sofia) dans une langue proche du macédonien littéraire post-1945, mais l’orthographe qu’il utilisait n’était pas celle qui a été adoptée par la suite, et qu’il ne voulait pas accepter.

 

Ce n’est pas V. Markovski qui est considéré comme le meilleur poète macédonien, mais bien Kočo Racin (1908 – 1943), dont il est également question dans la pièce. Cependant, Racin est une icône consensuelle en République de Macédoine, alors que Markovski fait l’objet de polémiques incessantes. Markovski s’est fait publier avant Racin, et il a beaucoup plus écrit, si bien que son rôle en tant que premier poète macédonien moderne est incontesté.

 

Markovski est rapidement séduit par le stalinisme, mais il n’en reste pas moins un nationaliste macédonien. Pendant la deuxième guerre mondiale, la Macédoine est occupée par l’armée bulgare et Markovski est relégué dans un camp de travail avec des communistes bulgares, dont un grand nombre sont d’origine macédonienne, et qui deviendront tous très influents dans la Bulgarie socialiste/communiste. Dès l’arrivée au pouvoir de Tito, Markovski exprime d’importantes réserves au moment de la codification de la langue littéraire macédonienne. Lorsque Tito rompt avec Staline, il fait partie des intellectuels persécutés en Yougoslavie pour avoir soutenu le stalinisme. À sa sortie du camp de Goli Otok, il rejoint la Bulgarie, prétendument pour des raisons de santé, suivi peu après par sa famille, sauf son fils décédé dans un accident de voiture. Or, dès son arrivée dans la Bulgarie socialiste/communiste, Markovski devient un écrivain officiel entretenu par le régime et vivant sur un grand pied. Il publie uniquement en bulgare standard et renonce à son engagement en faveur d’une langue et d’une culture macédoniennes spécifiques. Il devient même un nationaliste bulgare qui renie ses premiers engagements, tout en restant profondément stalinien. Ses derniers poèmes célèbrent la puissance nucléaire soviétique, comme par agacement suite aux critiques contre Moscou après la catastrophe nucléaire de Tchernobyl.

 

Venko Markovski est redevenu populaire en 2009 en raison d’une série de feuilletons dans le quotidien macédonien Utrinski vesnik. Le journaliste Viktor Cvetanovski s’est inscrit dans la campagne qui consiste à le réhabiliter en dépit du fait qu’il a renié ses idées de départ. En effet, on met en avant le fait que Markovski a été persécuté par le régime yougoslave, et qu’il a probablement voulu se venger. On a aussi mis en avant son amour-propre blessé, sa vanité flétrie. Mais en réalité tout cela est présent dans la pièce de Mladen Srbinovski, écrite et jouée des années avant la parution des feuilletons de Cvetanovski et des tentatives de réhabilitation académique, tant en République de Macédoine que dans des universités étrangères.

 

La pièce Le Faust macédonien est donc une pièce documentaire sur la vie de Venko Markovski, mais elle est aussi une réponse au Faust croate de Slobodan Šnajder. Alors que ce dernier évoque l’utilisation du mythe de Faust par le régime pronazi des oustachis croates, Srbinovski fait de Faust une métaphore de l’identité nationale vacillante et de l’engagement politique inconsidéré.

Regard du traducteur

Le traducteur avoue n’avoir pas perçu toute la valeur de la pièce à la première lecture, et même quand il avait commencé à travailler sur la traduction. En effet, il lui semblait que c’était une pièce importante, emblématique de la dramaturgie macédonienne autochtone (et non pas de la dramaturgie des émigrés macédoniens, qui écrivent différemment). Mais Mladen Srbinovski est un écrivain très controversé, dont on fait habituellement une lecture trop politique. Le lecteur a dû aussi s’habituer à des subtilités linguistiques du macédonien littéraire avant de pouvoir prendre la mesure du talent du dramaturge. La lecture d’autres œuvres de Srbinovski, notamment deux récents romans historiques, a permis de mieux cerner la spécificité de son style. Celui-ci se caractérise par une grande économie de moyens et par une expression ramassée, qui cachent en réalité des recherches très poussées, un humour fin et beaucoup d’ironie.

 

La pièce rend en particulier toute l’horreur du totalitarisme souvent en quelques lignes. Les tableaux très brefs entrent tout de suite dans le vif du sujet, et permettent de se faire une idée lucide sur l’époque narrée par le jeu des contrastes, paradoxes et oppositions.

 

Bien que Srbinovski développe aussi des conceptions personnelles de l’Histoire de la Macédoine, celle-ci ne sont pas intrusives, et la pièce se prête à toutes sortes d’interprétations.