Écriture

  • Pays d'origine : Portugal
  • Titre original : O Colar
  • Date d'écriture : 2000
  • Date de traduction : 2022

La pièce

  • Genre : comédie nostalgique pour la jeunesse
  • Nombre d'actes et de scènes : 3 actes
  • Décors : Venise au tout début du XIXe siècle (mais c’est une Venise de fantaisie) / Acte I : chambre et balcon de Vanina / Acte II et III : palais du commandeur (salle à manger, balcon, jardin)
  • Nombre de personnages :
    • 12 au total
    • 7 homme(s)
    • 5 femme(s)
    • Pour les personnages masculins, nous n’avons pas compté : - Le Vénitien (qui dit le prologue au début) - Le Majordome et le Notaire (une réplique chacun à la fin de l’acte II). - Les guitaristes
  • Durée approximative : 70 mn
  • Création :
    • Période : 2002
    • Lieu : Teatro Nacional de São João, Porto / Teatro do Bairro Alto, Lisbonne
  • Domaine : protégé : héritiers de Sophia de Mello Breyner Andresen

Édition

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Résumé

Le Collier est une pièce en trois actes. Elle s’ouvre sur un prologue versifié qui permet de planter le décor : la Venise mythique des marchands et des amoureux.

Le premier acte se passe dans la chambre du personnage principal, la jolie Vanina, jeune fille sans dot, éprise de liberté, d’absolu et d’amour, que son tuteur veut marier à l’austère commandeur Zorzi. Amoureuse de Pietro Alvisi, chanteur sans le sou, elle décide de parcourir Venise à sa recherche, malgré les mises en garde de son amie Giovanna et de son tuteur qui lui demande de se rendre au dîner que Zorzi donnera le lendemain. Le rideau se ferme alors. Au son des cloches, des gondoles et des cris des marchands, le spectateur peut imaginer la course effrénée de Vanina dans Venise, en quête de son bien-aimé, à l’insu de Dona Tourmalina, son chaperon, qu’elle a laissée dans une église. Lorsque le rideau s’ouvre de nouveau sur la chambre de la jeune fille, celle-ci raconte ses vaines tribulations et la nouvelle qui la plonge dans le désespoir : Pietro chantera le soir même pour la femme qu’il aime. Sa servante Bonina, complice de toujours, tente de l’égayer en lui annonçant que le commandeur Zorzi est posté sous son balcon pour lui déclarer son amour. Lorsque la sérénade s’élève dans les airs, Vanina reconnaît la voix de Pietro Alvisi et comprend sa méprise. Elle demande alors au commandeur d’engager de nouveau le chanteur pour le dîner du lendemain et s’avance sur son balcon, en arborant le collier de perles qu’il lui a offert, gage provisoire de ses fiançailles.

Le deuxième acte a lieu dans le palais du commandeur Zorzi. Le dîner qui vise à officialiser les fiançailles réunit la comtesse Zeti, tante du commandeur, ses cousins Giovanni et Juliano, Dona Tourmalina et Vanina. Au cours de la soirée, celle-ci se montre impatiente et désagréable à l’égard de son fiancé. Lorsque les convives, attablés, se délectent du vin blanc de Verdicchio et des spaghettis aux palourdes, Vanina fait inopinément glisser son collier de perles dans l’assiette du commandeur. Il l’avale, se plaignant de douleurs à l’estomac qu’il attribue aux coquilles. Pris d’un malaise, il regagne sa chambre, assisté par Dona Tourmalina. Vanina s’empresse alors de rejoindre Pietro et ses musiciens qui attendent dans le jardin pour leur annoncer que le concert est annulé. Les musiciens s’éloignent, commence alors la grande scène entre Vanina et Pietro. D’abord sensuelle et amoureuse, la scène prend un tour surprenant, qui rompt avec l’atmosphère fantaisiste de la pièce. Jeune homme pragmatique, Pietro explique à Vanina qu’il ne l’a jamais aimée et qu’il doit épouser une riche héritière pour redorer le blason de sa famille ruinée. Il lui rapporte l’entretien qu’il a eu à ce sujet avec son oncle Sigismundo. La jeune fille – qui a reçu entretemps une lettre de rupture du commandeur – insiste en vain sur la sincérité et la beauté de ses sentiments, sur sa soif d’une vie gouvernée par l’amour absolu. Il la quitte, à l’annonce de l’arrivée de son notaire. Malgré les paroles consolantes de la comtesse, Vanina part se réfugier dans la forêt pour laver son visage à la source d’eau claire.

Dans le troisième acte, toujours situé dans le palais du commandeur, la comtesse Zeti et son ami, le poète lord Byron, s’entretiennent longuement sur les déboires de Vanina. Ils évoquent leurs premiers chagrins d’amour, l’innocence de la jeunesse et l’irréductible nostalgie qui suit la première désillusion amoureuse. Vanina paraît, Giovanni la console puis son tuteur la raccompagne chez eux. La conversation de la comtesse et de Byron se prolonge, ce dernier, frappé par la beauté de Vanina, songeant à faire sa conquête. La pièce prend fin sur un poème de Byron qui évoque la mélancolie des amours perdues.

Regard du traducteur

Le Collier est une pièce surprenante. Elle semble avoir été écrite d’une traite, peut-être à l’instigation de Luis Miguel Cintra, qui l’a mise en scène après avoir monté plusieurs traductions de l’autrice. Au premier acte, le spectateur s’attend sans doute à ce que ce texte pour la jeunesse, qui emprunte son schéma initial et ses personnages à la comédie, ait un dénouement heureux : surmontant les obstacles et les interdits, Vanina parviendrait à épouser l’homme dont elle est éprise et on l’assisterait au « triomphe de l’amour ». Mais il n’en est rien. Quand, à l’acte II, Pietro révèle à Vanina qu’il ne l’aime pas, l’histoire bascule et la légèreté du début prend un autre sens. Ce qui détruit les rêves de l’héroïne, ce n’est pas tant l’autorité qu’un principe de réalité. Un tel retournement de situation incite à reconsidérer les personnages avec plus de nuances : le réalisme bienveillant du tuteur ressort, le narcissisme de Vanina aussi et même Pietro semble sauvé par les propos de la comtesse qui reconnaît les effets bénéfiques de sa franchise.

Le premier chagrin d’amour de Vanina – symbole de tous les désenchantements – lui enseigne l’écart entre les livres et la vie réelle. Mais l’écrivaine semble s’incarner tout autant dans le personnage de la jeune femme idéaliste que dans celui de la comtesse Zeti, dame âgée qui connaît la vie – ce que Sophia est déjà quand elle écrit la pièce. Par conséquent, si Vanina apprend « qu’on ne vit pas seulement de poésie », tout, dans la pièce, nous dit aussi qu’on ne saurait vivre sans son recours. Dans l’acte III, épilogue nostalgique qui commente l’intrigue plus qu’il ne la dénoue, la comtesse Zeti combat la mélancolie de son ami Byron en le renvoyant à son art et c’est sur l’un de ses poèmes que la pièce prend fin.

Par sa brièveté, la rapidité avec laquelle l’histoire se noue et se dénoue, sa fin ouverte, Le Collier rappelle les contes et les nouvelles de l’autrice. On y retrouve la langue limpide et imagée de Sophia. C’est un texte qui peut faire l’objet d’une lecture solitaire mais il n’en appelle pas moins la scène. La Venise fantaisiste qui sert de cadre à l’action excite l’imaginaire – qu’on la prenne comme telle ou qu’on y voie, en surimpression, la ville de Lisbonne, tout aussi opulente à l’époque où l’histoire est censée se passer. La présence d’un balcon dans les trois actes souligne la théâtralité de l’espace. La dimension sonore, particulièrement riche, offre une belle matière théâtrale. Les bruits de la ville donnent consistance à l’espace, les sérénades et les poèmes structurent l’action. Un metteur en scène qui serait séduit par l’œuvre de Sophia pourrait d’ailleurs aisément insérer d’autres poèmes dans son spectacle. Certaines scènes réclament des trouvailles techniques : l’envol de la tête de Vanina, les cœurs brisés des deux jeunes filles ou l’épisode du collier. Mais, dans l’ensemble, la dramaturgie repose sur des procédés classiques – théâtre dans le théâtre, apartés, surplomb du spectateur... – et, comme tout texte ouvert sur la scène, elle laisse au metteur en scène le soin de résoudre certaines questions : la comtesse Zeti a-t-elle assisté en cachette à la grande scène entre Pietro et Vanina ? et que s’est-il passé entre Giovanni et Vanina à la fin de la pièce pour que Byron ait vu dans leur échange les signes d’un amour naissant ?... Court comme un lever de rideau, étincelant comme un poème, Le Collier peut aussi bien aussi être lu, écouté que joué.