Comment je n'ai pas tué mon père et combien je le regrette

de Mateusz Pakuła

Traduit du polonais par Agnieszka Zgieb

Avec le soutien de la MAV

Écriture

  • Pays d'origine : Pologne
  • Titre original : Jak nie zabiłem mojego ojca i jak bardzo tego żałuję
  • Date d'écriture : 2022
  • Date de traduction : 2023

La pièce

  • Nombre d'actes et de scènes : 4 actes
  • Nombre de personnages :
    • 5 au total
    • Plusieurs personnages de la pièce sont interprétés par les mêmes comédiens.
  • Durée approximative : 120 mn
  • Création :
    • Période : 20 janvier 2023
    • Lieu : Théâtre Łaźnia, Cracovie, Pologne
  • Domaine : protégé

Édition

Cette traduction n'est pas éditée mais vous pouvez la commander à la MAV

Résumé

Il s’agit d’un récit profondément intime, brutal à l’extrême, sur la maladie, la mort et l’enterrement du père, atteint d’un cancer du pancréas, dans un monde impitoyablement envahi par les événements quotidiens, la politique, l'art, la pandémie, les querelles familiales. C’est un cri de colère lancé, non pas contre la mort en soi, mais contre le fait de mourir aujourd'hui en Pologne, contre les institutions de soins et leurs défaillances, singulièrement dans les unités de soins palliatifs, notamment celles sous la tutelle de l'Église catholique. C'est aussi une histoire de famille qui montre à quel point chacun participe à la souffrance. Ce texte, infiniment puissant, douloureux, charrie une franche révolte contre les consolations métaphysiques, l'esthétisation de la souffrance et sa promotion doloriste à des fins idéologiques. Ce n’est pas qu’un récit sur le père, c’est d’abord un récit sur la souffrance.

Regard du traducteur

« Comment je n'ai pas tué mon père ? Je ne l'ai pas tué rapidement et sans douleur, je ne l'ai pas étouffé avec un oreiller, je ne l'ai pas achevé pendant qu’il dormait, je ne lui ai pas administré une dose mortelle de morphine, je ne lui ai pas coupé les veines, je ne lui ai pas tiré une balle dans la tête. À quel point je regrette ? Je ne peux pas quantifier l'étendue du regret, la profondeur du gouffre ».

Ce bref passage suffit à témoigner de la qualité de ce texte de protestation véhémente, empreint d'émotion, dans lequel se lit une révolte résolue contre les institutions passives et sans âme, le manque d'empathie, les routines sociales et le fait de considérer les soi-disant valeurs chrétiennes comme définitivement acquises et toutes puissantes. Par-dessus tout, l’œuvre relève d’un chant de grand style.

L’auteur expérimente le langage, hurle sa colère, pleure son désespoir. Et en cela, il compose un récit à l’accent de vérité irréfutable, au sein duquel le langage apparaît désorganisé, à l’instar des émotions traversées.

Mateusz Pakuła n’a aucun souci du politiquement correct. Il semble même ne pas tenir compte des sentiments du lecteur, tellement sa pratique de la vivisection affective s’avère sans compromis possible au chevet d'un père mourant et tout ce qui se passe alors dans l'esprit d'un fils aimant. 

C’est un texte profondément universel. Ne sommes-nous pas tous, un jour ou l’autre, confrontés à la mort d’un proche ? Quand bien même l’action se déroule en Pologne, nous ne sommes pas loin de notre propre réalité en France, où le système de santé est fortement mis à mal, marqué par un manque cruel de professionnels du soin. Nombreux sont ceux qui ont perdu des proches durant la pandémie du Covid-19 sans pouvoir être à leurs côtés dans leurs derniers instants. Nombreux sont ceux qui ont été face au choix cornélien de l’euthanasie, face à l’extrême souffrance et à la guérison impossible ; question brûlante, et si complexe, au plan éthique, philosophique, social et religieux. Comment avoir une fin de vie sans souffrance ? Comment mourir dans la dignité ?

Comment je n’ai pas tué mon père et combien je le regrette constitue, il faut le redire, une accusation lancée contre l’Église catholique, organe puissant, qui exerce, en Pologne, un pouvoir néfaste en interférant sans vergogne avec les droits constitutionnels. Une Église hypocrite, qui freine tout progrès social et humaniste, influence les politiques, manipule et œuvre sans cesse pour que les droits religieux prennent le pas sur les droits civils, et qui va jusqu’à véhiculer la haine et la discrimination (à l’égard des femmes et des homosexuels, par exemple). Une Église qui exerce son influence sur les normes sociales et encourage les initiatives conservatrices et anti-égalitaires de dirigeants politiques qui marchent main dans la main avec le clergé.