Pour ton bien

de Pier Lorenzo Pisano

Traduit de l'italien par Federica Martucci

Avec le soutien de la MAV

Écriture

  • Pays d'origine : Italie
  • Titre original : Per il tuo bene
  • Date d'écriture : 2016
  • Date de traduction : 2018

La pièce

  • Genre : comédie dramatique
  • Nombre d'actes et de scènes : 18
  • Décors : Une maison familiale, une gare, une voiture, la maison des grands-parents, le métro...
  • Nombre de personnages :
    • 10 au total
    • 5 homme(s)
    • 5 femme(s)
    • 10 personnages (5H/5F) pour 5 acteurs-rices (certains personnages sont une voix enregistrée ou scénographique)
  • Durée approximative : 80 mn
  • Domaine : protégé

Édition

  • Edité par : Théâtre Ouvert
  • Prix : 10.00 €
  • ISBN : 979-10-95481-07-2
  • Année de parution : 2018

Résumé

Une famille comme il en existe tant - mère, père, deux fils, un oncle, deux grands-mères - autour de laquelle gravitent des inconnus, simples figurants dans la vie des autres (l’homme de la rue, le voisin dans le train…) ou des figures plus proches, comme la petite amie du cadet, qui peinent à trouver leur place.

Le fils aîné est parti étudier loin de la maison familiale tandis que le plus jeune y vit encore entre un père absent (il n’est pas incarné, le rôle est scénographique) et une mère envahissante et abrupte, tiraillée entre sa fonction maternelle et ses rêves d’ailleurs.

Au cours de l’un de leurs rares échanges téléphoniques, la mère demande à l’aîné de revenir chez eux car « papa ne va pas bien ».

Ce retour dans la maison familiale réveille les habitudes d’autrefois et déclenche les mécanismes familiaux enrayés depuis toujours. C’est aussi l’occasion de retrouver le petit frère (qui bien que plus haut en taille restera toujours le « petit »), les grands-mères (celle qui distribue des gâteaux et celle qui distribue des billets de banque), le tonton blagueur…

Durant la pièce, un mystère flotte autour de l’état de santé du père, la mère esquivant les questions de l’aîné à son sujet. Mais en attendant, le fils est de nouveau à la maison, chez ses parents, et son séjour se prolonge. Pourquoi reste t-il alors qu’il fait bien sentir que sa vie est ailleurs ? Pourquoi la mère l’a t-elle rappelé à leurs côtés ? La vérité finira par éclater, à demi-mot, comme un coup de tonnerre : ce n’est pas le père qui va mal mais elle, la mère. Et le coup de fil du début qui rappelle le fils prodigue à la maison prend alors tout son sens. Dans l’intervalle, entre humour, tendresse et sarcasme acéré, le chantage de l’amour va se jouer laissant percer les pensées parallèles impunies et les non-dits de chacun, les révélations, les mots d’amour oubliés ou jamais prononcés, et peut-être quelque chose aura changé dans cette famille singulière et si proche de tant d’autres.

Regard du traducteur

Il est question de la famille, thématique chère aux auteurs italiens mais qui trouve ici dans l’écriture de Pisano une saveur nouvelle et originale dans une veine drôle et grinçante.

L’intrigue est pourtant simple : un fils aîné (fils prodigue) est rappelé par sa mère dans la maison familiale car le père va mal. Mais plus tard, on comprendra que derrière cette « invitation » au retour se cache une autre vérité : c’est la mère qui est frappée par la maladie alors que le père, lui, se morfond au fond de son lit face à cette réalité.

Revenir là où on a grandi entre une mère, un père, un petit frère, des grands-mères, constitue une immersion dans l’identité première. Pisano fait sentir, au fil des scènes, à quel point cette immersion peut-être à la fois douloureuse, car tissée de culpabilités, récriminations, regrets, non-dits mais aussi de joies, souvenirs tendres, affection…

L’intérêt du texte est aussi qu’il ouvre l’angle de vue : dans un temps linéaire, plusieurs personnages interviennent et interagissent pour approfondir la question en suggérant comment la famille voit les « étrangers », comment les rapports s’établissent entre le « clan » et ceux qui ne sont pas de la famille.

Par une structure plutôt traditionnelle, des lieux définis, une alternance de dialogues rapides et de brefs monologues particuliers qui jaillissent comme des pensées parallèles et impunies, l’auteur tente de comprendre comment survivre à la famille, peut-on (s’) en sortir ?

Bien que portant sur un sujet mille fois visité, le questionnement progresse ici au fil d’une construction qui maintient une belle tension dramaturgique bâtie sur un mystère. Mystère autour du père -figure qui n’est d’ailleurs pas incarnée- et de son état de santé. Mystère orchestré par la mère dont les motivations profondes, premières, instinctives sont entretenues dans un juste équilibre avant de se révéler au grand jour, mais en filigrane. L’émotion trouve ainsi aussi sa place.

La langue de Pisano manie finement l’humour  (il explore le sens profond de mots banals en pointant un nouvel éclairage sur eux, il s’amuse avec des jeux de mots et des références incongrues que nous avons tenté de restituer dans la traduction). Nous avons également été happé par l’approche originale et le traitement décalé que l’auteur adopte pour évoquer un contexte, somme toute, banal. À travers l’histoire de cette famille qui cherche à surmonter avec légèreté un moment difficile, l’auteur met en lumière les règles qui régissent ce foyer. Comme toute famille, celle-ci a ses propres règles qui reposent ici, en partie, sur le chantage affectif, le chantage de l’amour.

Pisano use d’une langue à la fois littéraire et charnelle qui compose des situations et des personnages très vifs, à la fois drôles et cruels.

Partant de situations simples, voire banales (les déjeuners de famille, les conduites à la gare…) communes à tant de familles, il opte pour un ton souvent inattendu et un angle de vue décalé d’où se dégage un humour grinçant et une modernité dans le propos.

Pour Pisano, la famille a une saveur particulière, c’est « une association de malfaiteurs fondée sur le chantage affectif ».

Cette plongée dans le monde familial, Pisano l’évoque ainsi : c’est comme « une vieille paire de chaussures auxquelles nous sommes attachés, que nous voudrions continuer à porter, vraiment, mais elles ne nous vont plus, le gros orteil dépasse et les talons font mal (…). « Les figures qui nous accueillent sont toujours les mêmes, peut-être un peu vieillies, mères, pères, frères et sœurs, oncles, grands-parents, tous enveloppés dans du film à bulles, comme si le temps n’était pas passé, et c’est à nous de les dérouler et faire éclater les bulles. Mais parfois, sous le voile, on peut découvrir que les choses changent, même là, dans ce petit univers de câlins et de culpabilité (…).