On n'est pas des barbares !

de Philipp Löhle

Traduit de l'allemand par Ruth Orthmann

Avec le soutien de la MAV

Écriture

  • Pays d'origine : Allemagne
  • Titre original : Wir sind keine Barbaren!
  • Date d'écriture : 2014
  • Date de traduction : 2018

La pièce

  • Genre : pas très définissable : une comédie qui tourne mal ?
  • Nombre d'actes et de scènes : 21 scènes
  • Décors : 1 ou 2 (deux appartements quasi identiques)
  • Nombre de personnages :
    • 5 au total
    • 2 homme(s)
    • 3 femme(s)
    • 2 couples autour de la trentaine, une comédienne joue deux personnages (une femme et sa sœur)
  • Durée approximative : 90 mn
  • Domaine : protégé, L’Arche éditeur

Édition

Cette traduction n'est pas éditée mais vous pouvez la commander à la MAV

Résumé

Barbara et Mario sont installés depuis longtemps dans une routine de vieux couple quand de nouveaux voisins, Linda et Paul, emménagent dans l’appartement d’à côté. Ils se demandent si les nouveaux arrivants sont au courant de la fin violente des locataires précédents, mais décident de ne rien dire. Barbara est cuisinière dans un restaurant vegan, Mario conçoit des bruitages pour voitures de luxe trop silencieuses.
Les premières rencontres donnent lieu à quelques petits malentendus et des échanges absurdes. Bientôt des points communs – une télé à écran plat pour les hommes, le yoga pour les femmes – les rapprochent suffisamment pour permettre une relation poliment amicale.
Mais un jour, un étranger frappe aux portes en demandant de l’aide. Barbara décide de l’accueillir et l’inconnu s’installe chez eux.
Linda et Paul sont inquiets et cherchent à convaincre leurs voisins de se débarrasser de ce danger potentiel. La conversation tourne au vinaigre et les relations se tendent. L’étranger, en tout cas, semble bien mystérieux ; même son nom et son origine sont matière à discussion : s’appelle-t-il Klint ou Bobo, est-il africain ou asiatique ? Quoi qu’il en soit, il semble avoir vécu des épreuves terribles et il a des yeux tristes. Faut-il donc l’aider sans demander de contrepartie ou faut-il avoir peur ? Ou représente-t-il une tentation exotique et érotique ?
Les soupçons s’amplifient jusqu’au moment où Barbara et le réfugié disparaissent.
Dans un premier temps, une fugue amoureuse paraît évidente mais la police finit par découvrir le cadavre de la jeune femme. Le coupable est alors tout désigné, jusqu’au moment où la sœur de Barbara débarque et pose la question du mobile. Lorsque ses soupçons se portent sur Mario, elle disparaît à son tour.

Pour finir, un jeune couple s’installe à côté de Linda et Paul. Ceux-ci se demandent s’ils doivent leur parler de la fin violente des locataires précédents…

Un chœur entrecoupe les dialogues et commente l’histoire : c’est un « NOUS », l’opinion publique de citoyens de classe moyenne. Lui aussi se trouve désorienté et finit par prendre part à l’action.

Regard du traducteur

Pour parler d’un sujet d’actualité – l’accueil des réfugiés - Philipp Löhle joue avec les codes et les attentes.
La pièce débute comme un théâtre de sociologie de la classe moyenne avec des situations stéréotypées de jeunes couples modernes, traitées avec l’humour dont Löhle est coutumier.
L’apparition de l’étranger donne lieu à des commentaires qui dévoilent l’ignorance et le manque de réflexion des personnages, qu’ils se situent du côté de ceux qui refusent toute aide ou de ceux qui la conçoivent comme un devoir.

Avec la disparition de deux des personnages, une pièce policière semble se mettre en place : crime ou escapade amoureuse ? Mais sous cette apparence lisse, la réalité s’avère très vite plus complexe.

L’étranger, tel le point aveugle qui révèle les failles des uns et des autres, demeure un personnage invisible, n’existant qu’à travers les fantasmes et les angoisses des protagonistes.
On peut déceler dans le silence et l’invisibilité de ce personnage essentiel une double fonction :
D’une part, on peut y lire une critique politique – les étrangers qui arrivent dans nos pays européens sont souvent privés de parole, objets de mesures de rétention ou d’intégration mais rarement sujets de leur destin chez nous.
D’autre part, on peut se demander ce que sont la présence et la fonction dramaturgiques d’un personnage qui ne parle pas. En regard de ce silence, la parole des autres protagonistes est sujet à questionnement : ils n’arrêtent pas de critiquer les mots utilisés par les autres et de chercher à préciser les leurs. Que trahissent alors les mots, à quel point cherchent-ils uniquement à camoufler une absence de pensée ?

En ce sens, le titre de la pièce, qui de prime abord apparaît simplement comme un contre-pied ironique, renvoie aussi au sens étymologique du mot « barbare » : celui qui ne parle pas la même langue. Et ce ne serait pas forcément l’étranger…

Le langage se retrouvant alors au centre du texte, son comique – tout comme celui des situations - fait de cette œuvre une pièce divertissante où les abîmes s’ouvrent sous nos pieds de façon inattendue.