Napoléon à la Nouvelle-Orléans

de Georg Kaiser

Traduit de l'allemand par René & Huguette Radrizzani

Écriture

  • Pays d'origine : Suisse
  • Titre original : Napoleon in New Orleans
  • Date d'écriture : 1970
  • Date de traduction : 1995

La pièce

  • Genre : tragi – comédie
  • Nombre d'actes et de scènes : 9 tableaux
  • Décors : 2
  • Nombre de personnages :
    • 7 au total
    • 4 homme(s)
    • 3 femme(s)
  • Durée approximative : 2 h 30
  • Création :
    • Période : 28 janvier 1950
    • Lieu : Badisches Staatstheater, Karlsruhe
  • Domaine : Protégé : Bloch Erben/L'Arche Editeur

Édition

Résumé

Vers 1820, à la Nouvelle-Orléans, le baron Dergan a installé chez lui un musée commémorant les grandes batailles de son idole, Napoléon. Il ne se doute pas que toutes ces pièces sont des faux fabriqués par une bande de filous, et il rêve de délivrer Napoléon de Sainte-Hélène en lui substituant un sosie. La substitution se fera, mais tout autrement qu'il ne le pensait. L'ancien acteur Youyou vient jouer chez lui le rôle de l'Empereur, le détrousse peu à peu de tous ses biens ("pour armer des ligues destinées à reconquérir le monde") et finira même par épouser sa fille, Gloria. Le jour où ils apprennent qu'elle attend un enfant et que le baron est ruiné, les imposteurs déguerpissent. Le baron comprend qu'il est justement puni pour avoir voulu mettre, une fois de plus, la terre à feu et à sang, et périt avec sa fille dans les flammes de son palais.

Regard du traducteur

Napoléon à la Nouvelle-Orléans est la dernière tragi-comédie de Kaiser, la dernière pièce où des éléments comiques, les fantasmes héroïques de Dergan et la contraste entre ce personnage et les filous qu'il a introduits chez lui, se mêlent à la tragédie.
Cette satire écrite pendant la deuxième Guerre mondiale fourmille d'allusions au militarisme, au nazisme, à Hitler: "C'est pourtant comique de voir comme l'argent coule à flots dès qu'il s'agit d'acheter des armes" (p. 193/194). "Les ligues sont fondées, les armes achetées. On attend le grand timonier", en allemand: F
ührer! (p.224). Jouer ce rôle est à la portée du plus minable des comédiens. "Parce que ce rôle est minable. Il se compose des traits les plus méprisables: brutalité, vulgarité, parole rompue, bassesse sous toutes ses formes, envie, haine, trahison, meurtres publics et secrets" (p. 183/184). Il est facile de transformer "un peintre en bâtiments" en Empereur (p.183). Ce personnage a le cœur sensible. "Je tue inconsciemment dans mes batailles – consciemment, je ne pourrais pas tuer un lapin." (p.218). Les suiveurs de ce héros "lèvent le bras en un salut glorieux"= hitlérien (p. 216).
Car c'est Hitler qui est visé dans ce pseudo- héros, et non le Napoléon historique, pour qui Kaiser avait une réelle admiration. (Remarquons cependant que le Napoléon qui apparaît dans Relais de chevaux/ Pferdewechsel n'est pas le héros conquérant, vainqueur, mais un homme aux grands projets qui ont échoué, et qui a pourtant gardé une profonde humanité.)
Le baron Dergan devient, à la fin de la pièce, un des grands personnages tragiques du théâtre de Kaiser: comme Noel Kehoe dans Mississippi, il réussira à se transcender, se sublimer. Alors qu'il a tout perdu, il est capable de comprendre qu'il a bâti sa vie sur une chimère, et meurt avec une sérénité émouvante.
Comme toujours chez Kaiser, la construction de la pièce est magistrale, chaque tableaux présentant une étape d'une évolution inéluctable.

Dans une lettre de décembre 1941 à Robert Pirk, Kaiser notait: "Je pense souvent à ce baron Dergan  qui accueille le faux Napoléon à La Nouvelle-Orléans. Je crois avoir créé ici un personnage immortel- un nouveau Don Quichotte, celui de la guerre totale".