Still Life (Monroe-Lamarr)

de Carles Batlle

Traduit du catalan par Laurent Gallardo

Avec le soutien de la MAV

Écriture

  • Pays d'origine : Espagne
  • Titre original : Still Life (Monroe-Lamarr)
  • Date d'écriture : 2018
  • Date de traduction : 2020

La pièce

  • Genre : Si la pièce donne à connaître le surprenant destin de l’actrice Hedy Lamarr, elle constitue aussi une réflexion des plus brillantes sur la reconnaissance de l’artiste, les paradoxes de la postérité et la fugacité de l’art du comédien.
  • Nombre d'actes et de scènes : 1 prologue et 7 scènes
  • Décors : Dans la pièce, deux lieux sont représentés : - L’appartement de Hedy Lamarr en 1966. - La maison de Hedy Lamarr en 1962. Si ces deux lieux peuvent se traduire scéniquement par deux espaces juxtaposés, il serait préférable de les concevoir comme un seul espace où coexistent deux temporalités encastrées l’une dans l’autre.
  • Nombre de personnages :
    • 4 au total
    • 2 homme(s)
    • 2 femme(s)
  • Durée approximative : 90 mn
  • Création :
    • Période : 2020
    • Lieu : Teatre Nacional de Catalunya
  • Domaine : protégé

Édition

Cette traduction n'est pas éditée mais vous pouvez la commander à la MAV

Résumé

Ecrite en 2018, cette pièce met en scène la rencontre énigmatique et fascinante entre deux icônes hollywoodiennes, Marylin Monroe et Hedy Lamarr, ayant incarné, chacune à leur époque, un idéal de beauté féminine. Carles Batlle a imaginé pour l’occasion une composition achronologique qui conjugue, tantôt successivement, tantôt simultanément, différentes temporalités. La pièce joue notamment sur un va-et-vient entre deux moments : août 1962, où Marilyn Monroe, au sommet de sa gloire, décide de rendre visite à Hedy Lamarr dont la carrière semble alors définitivement achevée et février 1966, quand un mystérieux personnage, William, s’introduit dans l’appartement d’Hedy Lamarr au moment où celle-ci doit se rendre à son procès pour une affaire de vol.

Ces deux rencontres, qui n’ont apparemment aucun lien entre elles, sont en vérité inextricablement liées. Quelles sont les raisons qui poussent Marilyn a visité celle qu’elle a tant admirée dans sa jeunesse ? La rencontre est d’autant plus mystérieuse qu’elle précède de peu son suicide. Plane aussi sur ce face-à-face sismique et crépusculaire l’ombre de John Fitzgerald Kennedy qui fut l’amant des deux femmes. Qu’en est-il de William ? Que vient-il chercher chez Hedy Lamarr ? Il prétend vouloir l’aider à réécrire sa biographie en lui donnant un parfum de scandale. Mais, en plus d’être une femme fatale, Hedy Lamarr est aussi une inventrice de génie ayant créé, en collaboration avec le compositeur George Antheil, un système secret de communication applicable aux torpilles radioguidées. Alors que Marilyn rêve d’accéder au prestige de la « haute culture » - Hollywood ne lui en donnera pas l’occasion -, Hedy souhaite, quant à elle, qu’on reconnaisse à la fois sa carrière hollywoodienne et son génie scientifique. Y parviendra-t-elle ? L’instant d’une rencontre, les deux actrices font tomber les masques pour montrer leur vrai visage. Apparaissent alors deux femmes immensément désabusées.  

Dans la droite lignée de la tradition hollywoodienne, magistralement théâtralisée par Carles Batlle, la pièce constitue ainsi une réflexion des plus brillantes sur la reconnaissance de l’artiste, les paradoxes de la postérité et la fugacité de l’art du comédien.

Regard du traducteur

La pièce doit être lue comme un hommage théâtral au cinéma hollywoodien des années 40 et 50. On constate, à cet égard, que la rivalité entre Hedy Lamarr et Marilyn Monroe rappelle le face-à-face entre Margo Channing (Bette Davis) et Eve Harrington (Anne Baxter) dans All about Eve (1950) de Joseph Mankiewicz, où les désillusions et rivalités féminines tissent un envers du décor des plus cyniques. Quant à la rencontre entre William et Hedy, elle semble directement inspirée de Sunset Boulevard (1950) de Billy Wilder, où un jeune écrivain (William Holden) rend visite à une vielle star du cinéma muet (Gloria Swanson) pour lui écrire un scénario et ainsi relancer sa carrière.

A traves ce subtil jeu d’influences, Carles Batlle fait le pari d’un renversement de la pratique adaptative de sorte que c’est désormais le théâtre qui se nourrit du cinéma et non l’inverse. Ces références cinématographiques sont ainsi mises au service d’une théâtralité d’autant plus réussie qu’elle projette sur la scène non pas les images rutilantes de la fiction hollywoodienne mais ses coulisses, là où se joue le drame intime du comédien confronté à lui-même. Hedy Lamarr et Marilyn Monroe vivent enfermées dans le reflet du miroir, où elles ne cessent de se complaire, sans parvenir à être reconnues pour ce qu’elles sont, alors qu’on les adule à l’écran pour ce qu’elles ne sont pas.

Si Hedy, la brune de la MGM, incarne le cinéma hollywoodien des années 40, Marilyn, la blonde de la Fox, sera la tumultueuse égérie des années 50. Mais la rivalité n’est que de surface, car elles partagent un même destin, celui de l’artiste en mal de reconnaissance. Témoin du désenchantement auquel doit faire face Hedy Lamarr, Marilyn prend alors conscience de ce qu’elle ne veut pas devenir. Son suicide apparaît comme un geste de liberté, par lequel elle s’émancipe d’un destin non désiré, comme l’aura peut-être été toute sa vie.

En rendant hommage à la figure de Hedy Lamarr, la pièce de Carles Batlle est aussi un plaidoyer pour la condition féminine en cela qu’elle revendique le génie scientifique de cette femme talentueuse et ses découvertes dans le domaine des transmissions par étalement de spectre, ancêtre des techniques toujours utilisées actuellement pour la téléphonie mobile et la technologie Wi-Fi. La question de la reconnaissance est ainsi posée dans une perspective éthique. Comment comprendre qu’il ait fallu attendre 50 ans pour qu’on lui décerne le Prix de l’Electronic Frontier Foundation ? Hedy Lamarr avait le tort d’être femme, d’être juive, d’être étrangère et d’avoir joué dans Extase (1933) de Gustav Machatý, le premier film de l’histoire du cinéma conventionnel à inclure une scène de nu, un rapport sexuel et un orgasme féminin. Avec Still Life (Monroe-Lamarr), Carles Batlle donne à Hedy Lamarr la place qui lui revient au firmament des femmes exceptionnelles ayant contribué au progrès de l’humanité.