Le Radeau de la Méduse

de Georg Kaiser

Traduit de l'allemand par René & Huguette Radrizzani

Écriture

  • Pays d'origine : Suisse
  • Titre original : Das Floβ der Medusa
  • Date d'écriture : 1963
  • Date de traduction : 1994

La pièce

  • Genre : drame
  • Nombre d'actes et de scènes : 7
  • Décors : 1
  • Nombre de personnages :
    • 13 au total
    • 7 homme(s)
    • 6 femme(s)
  • Durée approximative : 1 h 45
  • Création :
    • Période : 24 février 1945
    • Lieu : Stadttheater Basel (Suisse)
  • Domaine : Protégé : F. Bloch Erben/L'Arche Editeur

Édition

Résumé

Un vapeur, qui devait conduire au Canada des enfants de villes anglaises bombardées, est torpillé en pleine mer. Quelques enfants en réchappent dans un canot de sauvetage. – Ils sont d'abord douze, six garçons et six filles; un esprit de solidarité semble s'installer. Mais, ayant découvert un petit rouquin rendu muet par le choc, ils s'effraient d'être treize (chiffre maléfique depuis la Sainte Cène) et, sur l'instigation d'Ann, iront jusqu'à le jeter par-dessus bord, prétendument par piété chrétienne. Et réellement, comme pour leur donner raison, un avion vient les sauver. Allan, qui n'a pas réussi à empêcher le meurtre de P'tit renard, refuse de retourner dans ce monde d'hypocrisie et de cruauté. Il préfère se faire tuer par un chasseur ennemi.

Regard du traducteur

Le 5 mai 1943, l'auteur écrivait à Julius Marx: "J'ajoute que je tiens Le Radeau de la Méduse pour un phénomène unique dans la littérature universelle."

C'est en effet une pièce unique, incomparable. L'ambiance est magique, avec ce canot qui émerge des brumes et y replonge. Le texte est d'une intensité saisissante, sans qu'il y ait aucune note forcée; il n'y a pas un mot de trop, on est pris  d'un bout à l'autre. L'ensemble s'impose avec l'évidence de la vérité. Nulle part, l'hypocrisie bien-pensante et la cruauté du monde n'ont été montrées avec plus de transparente simplicité.

"Les enfants préfigurent tout ce qu'accompliront plus tard les adultes. De sang froid, des enfants de dix ans assassinent le treizième – parce que la religion chrétienne leur interdit de partager leur repas avec lui." Lettre du 17 I 1943 à Cäsar von Arx.

Le Radeau de la Méduse anticipe – mais avec combien plus d'art et de force – sur Le Dieu de mouches de Golding : même situation de départ, même idée fondamentale: les enfants ne sont pas meilleurs que les adultes, ils vont même jusqu'au meurtre d'un camarade. Mais alors que chez Golding, le crime est perpétré dans une ambiance orgiaque, dans un retour à l'état de barbarie, les enfants chez Kaiser sont un miroir fidèle du monde des adultes, avec ses superstitions, ses mensonges. Ils font penser aux habitants de Güllen dans La Visite de la vieille dame de Dürrenmatt: s'ils tuent, c'est disent-ils, hypocritement, non par égoïsme, mais par piété.

En mai 1943, Kaiser confiait à Frieda Haller: "C'est étrange, dans le personnage d'Allan j'ai donné forme à mon âme. C'est comme si elle existait désormais à l'extérieur de mon corps."

Et deux ans plus tard, il affirme encore dans une lettre du 14 mars 1945 à Cäsar von Arx: "Je suis Allan- en lui, je me dépeins – je lui envie sa jeune mort. J'ai dû vivre longtemps et subir toutes les atrocités de la vie. Je n'ai pas été Allan dans le canot – je suis devenu Allan sous torture de l'existence."