Écriture

  • Pays d'origine : Espagne - Catalogne
  • Titre original : Islàndia
  • Date d'écriture : 2013
  • Date de traduction : 2014

La pièce

  • Genre : drame politique et existentiel
  • Décors : Décors multiples, scènes dans les rues de New-York.
  • Nombre de personnages :
    • 10 au total
    • 7 homme(s)
    • 3 femme(s)
  • Durée approximative : 85 mn
  • Domaine : protégé

Édition

Résumé

Dans une chambre à Reykjavik, un banquier et une serveuse licenciés s’interrogent sur les raisons qui ont conduit l’Islande à la faillite. Le jour même, l’homme doit prendre un avion pour New York. Il part retrouver sa mère, installée dans le Bronx, dont il n’a plus aucunes nouvelles depuis plusieurs semaines.

Mais, alors que l’homme et la jeune femme s’assoupissent quelques instants, un garçon d’une quinzaine d’années surgit de sous le lit. Ce curieux personnage revêt les vêtements de l’homme, saisit sa valise, son guide de voyage et appelle un taxi pour qu’il le conduise à l’aéroport.

A partir de cette première scène mystérieuse, la pièce retrace le voyage initiatique de cet adolescent fraichement débarqué à New York, qui donnera lieu à une série de rencontres inattendues. Cette succession de portraits est l’occasion pour Lluïsa Cunillé de décrire les ravages causés par la crise financière dans un pays en pleine déroute.

Regard du traducteur

Tout comme Amerika de Franz Kafka, Islande se présente telle une immense ligne de fuite, prenant la forme d’une pérégrination théâtrale à travers les rues de New York, qui se veut également émotionnelle (retour à l’enfance) et intellectuelle (de la réalité de la crise financière à ses causes les plus profondes). La pièce est un voyage au cœur des ténèbres qui, par stations successives, nous transporte dans l’œil du cyclone. Attentive au déclin économique et à ses conséquences sociales, Lluïsa Cunillé l’est tout autant à la crise morale qui secoue la société américaine. Sur le chemin qui mène à Wall Street, c’est d’abord la misère humaine que l’on rencontre et la duperie érigée en loi morale. Derrière l’image rutilante du rêve américain, l’auteure découvre ainsi la réalité d’une imposture qui conduit irrémédiablement le monde occidental à sa perte. 

Dans Islande, le réalisme allusif de Lluïsa Cunillé instaure une dimension parabolique de telle sorte que cette pièce, minimaliste en apparence, vise une complexité, où chaque élément dramatique, chaque objet se charge d’une transcendance singulière. Du reste, l’œuvre ne cesse de renvoyer aux textes fondateurs d’une Amérique démystifiée. Le regard candide du protagoniste rappelle celui de Karl Rossman dans Amerika de Franz Kafka. L’ambiance étrange et improbable n’est pas sans rapport avec Quai Ouest de Bernard-Marie Koltès et la faune new-yorkaise qui peuple la pièce semble directement inspirée de Manhattan Transfer de John Dos Passos.

Une fois encore, Lluïsa Cunillé parvient à nous surprendre par la pureté féroce de son langage et cette capacité à défaire une image consensuelle du monde, en lui conférant une densité et une opacité des plus suggestives, alors que l’on cherche si souvent à nous convaincre que la réalité est évidente, irréfutable, imparable. Et précisément, c’est peut-être là que réside la charge politique de cette œuvre : dans ce langage théâtral unique et éminemment ouvert, tout comme l’est le regard que Lluïsa Cunillé porte sur le monde.