Le Cabinet des désirs

de Felicia Zeller

Traduit de l'allemand par Ruth Orthmann

Avec le soutien de la MAV

Écriture

  • Pays d'origine : Allemagne
  • Titre original : Wunsch und Wunder
  • Date d'écriture : 2015
  • Date de traduction : 2016

La pièce

  • Genre : comédie
  • Nombre d'actes et de scènes : 31 scènes
  • Décors : un cabinet médical
  • Nombre de personnages :
    • 5 au total
    • 2 homme(s)
    • 3 femme(s)
  • Durée approximative : 90 mn
  • Domaine : protégé, agent : Henschel Schauspiel

Édition

Résumé

Wunsch und Wunder de Felicia Zeller se déroule dans un cabinet médical dédié à la médecine de la reproduction : insémination artificielle, fécondation in vitro, conservation d’ovocytes, banque de sperme sont le lot quotidien des différents protagonistes.
Le médecin Flause est un pionnier de ce type de médecine, depuis trente ans il aide des couples stériles. Aux débuts du cabinet, il y mettait souvent du sien : en l’absence de donneurs, il utilisait parfois son propre sperme pour les inséminations. Il craint désormais être confronté à un de ses enfants génétiques.
Son associée, docteur Bauer, souhaite de son côté avoir un enfant, mais sans recourir à la médecine. Elle multiplie donc les rencontres fortuites, en choisissant ses partenaires sur la base de l’attirance olfactive, se prêtant en même temps à une auto-expérimentation.
Le responsable du laboratoire cherche également à se reproduire et ne résiste pas à la tentation de substituer son sperme à celui d’un patient qui lui ressemble comme un jumeau.
L’assistante médicale, elle, tombe enceinte de façon naturelle mais involontaire et se trouve remplacée pendant son congé maternité par une jeune femme qui sous couvert de secrétariat cherche à retrouver son père génétique – qui n’est autre que le docteur Flause.

Regard du traducteur

Wunsch und Wunder (littéralement : « désir/souhait/ vœu et miracle ») de Felicia Zeller aborde des sujets d’actualité, que ce soit celui du désir d’enfant à tout prix ou celui de la recherche des parents génétiques. Mais loin de les traiter sous forme documentaire, le ton et les situations sont souvent extrêmement drôles.

Le désir d’enfant donne son titre à la pièce : des couples stériles et des femmes célibataires viennent trouver une solution miracle au cabinet du docteur Flause. Leur démarche est vue presque exclusivement à travers les yeux du personnel, dont deux des membres cherchent eux aussi à s’assurer d’une descendance. C’est tout un chassé-croisé de procédures, de tests et d’entretiens qui se met en place et qui donne lieu à des situations de jeu cocasses.
La question qui sous-tend le texte sans être jamais posée explicitement est évidemment celle du « Pourquoi ? ». Pourquoi tous ces gens désirent à ce point-là avoir un enfant ? Qu’est-ce qui s’exprime là, quelle angoisse ou quelle recherche d’immortalité ? Qui sont ces gens qui construisent leur maison avec des chambres d’enfant et qui désespèrent ensuite de les remplir ? Quel sens veut-on donner à sa vie par sa descendance ? Et est-ce la seule manière de lui trouver un sens ?

Un point de vue différent de tous ces futurs parents est exprimé par la secrétaire médicale qui tombe enceinte sans le vouloir et qui dit qu’elle aurait bien fait autre chose dans la vie que s’occuper d’enfants, « des études par exemple ».  Elle considère d’ailleurs que « les gens sans enfants ne sont pas fondamentalement moins heureux ».

Cette lucidité de la part de la femme avec la position hiérarchique la moins élevée nous permet aussi d’aborder une critique sociale implicite : les traitements contre la stérilité ne sont abordables que par les riches, des femmes qui se retrouvent dans des postes de pouvoir, alors que les défavorisées procréent et se trouvent précisément par là exclues de l’ascension sociale.

L’auteur elle-même dit que la pièce traite de « la fusion du conte et de la réalité, du spermatozoïde et de l’ovocyte, de ce qui est faisable et du hasard ». Elle réussit à travers tous ces personnages et ces situations souvent comiques, à interroger non seulement les motivations et destins individuels, mais aussi notre société dans son fonctionnement et sa recherche désespérée de sens. La citation de contes de fée anciens tournant autour du désir d’enfant ouvre la vision moderne vers celle d’un passé où l’aide médicale à la procréation n’existait pas et où du coup la question de l’enfant se posait autrement, mais non moins douloureusement.

Enfin, le personnage de la jeune femme qui cherche son père génétique parce qu’elle veut comprendre qui elle est et qui lui a transmis les particularités physiques qu’elle ne reconnaît pas chez ses parents, nous confronte à l’interrogation sur notre identité et à celle du sens de la maternité et paternité.

La langue utilisée par Felicia Zeller exprime la situation à sa manière : souvent, les phrases ne se terminent pas, elles enchaînent alors directement avec la suivante, comme si la pensée ne parvenait pas à aller jusqu’au bout d’elle-même et demeurait inachevée. Généralement, c’est le verbe qui manque, sous-entendu par la locution il n’est pas explicité. En dehors de l’expression d’un tic de langage, on peut y voir une incapacité à se projeter dans l’action, même en parole.
Pour le traducteur, cela représente un défi passionnant : Autant la syntaxe allemande rend relativement facile ce type de construction, autant la phrase et la logique française y sont étrangères et requièrent donc une invention permanente.

Pour résumer, la pièce me paraît d’une grande originalité susceptible d’intéresser un public français. Créée en Allemagne au printemps 2015, elle y a rencontré un grand succès et s’est retrouvée invitée au festival de Mühlhausen, qui présente les cinq meilleurs textes dramatiques de la saison.