Tel est pris qui croyait prendre

de Alexandre Ostrovski

Traduit du russe par Hélène Henry-Safier

Avec le soutien de la MAV

Écriture

  • Pays d'origine : Russie
  • Titre original : НА КАЖДОГО МУДРЕЦА ДОВОЛЬНО ПРОСТОТЫ
  • Date d'écriture : 1848
  • Date de traduction : 2014

La pièce

  • Genre : « Comédie sérieuse », satire socio-politique sur thématiques de l’enrichissement et de la manipulation
  • Nombre d'actes et de scènes : 5 actes
  • Décors : Intérieurs de bon aloi (salons, cabinets de travail), terrasse avec vue sur jardin
  • Nombre de personnages :
    • 13 au total
    • 6 homme(s)
    • 7 femme(s)
  • Durée approximative : 2h
  • Domaine : protégé

Édition

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Résumé

Acte premier. Chez Gloumov.
Egor Gloumov, jeune littérateur moscovite, décidé à faire fortune, met en place, aidé de sa mère, un plan de bataille : il va circonvenir un riche oncle, Nil Mamaev, et obtenir la main de Machenka, nièce de la riche marchande Touroussina. Ses armes : sa bonne mine, son intelligence et son art de la parole.
Il commence par écarter le hussard Kourtchav, le neveu préféré de Mamaev, venu le voir en compagnie du journaliste Goloutvine, qui cherche des sujets pour écrire des articles dans la presse à scandales. Gloumov subtilise une caricature de son oncle dessinée par Kourtchaev, et la montre à Mamaev. Mamaev chasse Kourtchaev et prend Gloumov sous son aile.
Gloumov fait écrire par sa mère et envoyer à Touroussina des lettres discréditant Kourtchaev, fiancé de Machenka.
Gloumov se concilie Manéfa, dévote et voyante.
Il commence à rédiger un journal où il note ses agissements au jour le jour.

Acte deux. Chez Mamaev.
Mamaev vante les talents littéraires de Gloumov auprès des amis de son cercle, d’abord le vieux conservateur Kroutitski, qui a besoin qu’on rédige pour lui ses « projets ». De son côté, la mère de Gloumov enflamme en faisant l’éloge de son fils l’imagination de la femme de Mamaev, Kléopatra Lvovna, coquette en mal de soupirants, prête à se laisser séduire. Kléopatra tente des approches auprès de Gloumov. Elle obtient d’un de ses soupirants, le juge Gorodouline, qu’il trouve une place de fonctionnaire pour Gloumov. Gloumov fait la conquête de Gorodouline en affichant des dispositions libérales et humanitaires. Mamaev l’encourage à courtiser sa femme tout en briguant la main de Machenka. Venu remercier Kléopatra, Gloumov feint des sentiments passionnés.

Acte trois. Chez Touroussina.
Touroussina, bigote et superstitieuse, reçoit les lettres anonymes discréditant Kourtchaev et défend à sa nièce de l’épouser. Pendant tout l’acte, elle ne cesse d’accueillir dans sa maison de saintes personnes qui sont en réalité des pique-assiettes et des gens de sac et de corde.
Kroutitski, puis Gorodouline, en visite chez Touroussina, font l’un et l’autre l’éloge de Gloumov et le lui suggèrent comme époux pour Machenka. Survient Manéfa la tireuse de cartes, qui prédit l’arrivée miraculeuse d’un fiancé. Arrivent Mamaev et Gloumov. Touroussina est prête à donner sa nièce en mariage à Gloumov.

Acte quatre.
Premier tableau. Chez Kroutitski
Kroutitski vérifie avec Gloumov le « traité » que celui-ci a rédigé. Kroutitski, satisfait, confirme qu’il appuie ses fiançailles avec Machenka. Il annonce la nouvelle à Kléopatra, venue en visite, et celle-ci sort bouleversée et furieuse.
Deuxième tableau. Chez Gloumov.
Gloumov vient de rédiger son journal. Kléopatra vient le voir, l’interroge sur son futur mariage. Il essaie de lui donner le change et prétend que c’est Mamaev qui a arrangé le mariage. Mais Kléopatra ne se laisse pas prendre.
Goloutvine, qui a espionné Gloumov et intercepté les lettres anonymes, vient faire du chantage à Gloumov. Celui-ci, sorti avec lui, lui donne de l’argent en coulisses.
Kléopatra revient subrepticement, découvre le Journal de Gloumov, le lit et le dérobe. Elle donne le change à Gloumov, qui se tranquillise, puis s’affole en découvrant la disparition du Journal.

Acte cinq. Terrasse dans une maison de campagne.
Machenka dit adieu à Kourtchaev. Touroussina dit à Gloumov sa satisfaction de le voir épouser sa nièce, le mariage ayant été annoncé de manière miraculeuse. Arrivent tour à tour les invités : Gorodouline, Kléopatra, Mamaev, Kroutitski.
Un coursier apporte à Touroussina l’article de Goloutvine et le Journal intime de Gloumov. Mamaev fait la lecture à haute voix du Journal de Gloumov. Affolement et indignation générale. Touroussina rend Machenka à Kourtchaev.
Gloumov revendique le contenu du Journal, dit son fait à chacun des présents, jure qu’il se vengera et s’en va. Tous sont d’accord pour conclure que c’est un homme utile et qu’il faudra le rappeler un jour.
Acte premier. Chez Gloumov.
Egor Gloumov, jeune littérateur moscovite, décidé à faire fortune, met en place, aidé de sa mère, un plan de bataille : il va circonvenir un riche oncle, Nil Mamaev, et obtenir la main de Machenka, nièce de la riche marchande Touroussina. Ses armes : sa bonne mine, son intelligence et son art de la parole.
Il commence par écarter le hussard Kourtchav, le neveu préféré de Mamaev, venu le voir en compagnie du journaliste Goloutvine, qui cherche des sujets pour écrire des articles dans la presse à scandales. Gloumov subtilise une caricature de son oncle dessinée par Kourtchaev, et la montre à Mamaev. Mamaev chasse Kourtchaev et prend Gloumov sous son aile.
Gloumov fait écrire par sa mère et envoyer à Touroussina des lettres discréditant Kourtchaev, fiancé de Machenka.
Gloumov se concilie Manéfa, dévote et voyante.
Il commence à rédiger un journal où il note ses agissements au jour le jour.

Acte deux. Chez Mamaev.
Mamaev vante les talents littéraires de Gloumov auprès des amis de son cercle, d’abord le vieux conservateur Kroutitski, qui a besoin qu’on rédige pour lui ses « projets ». De son côté, la mère de Gloumov enflamme en faisant l’éloge de son fils l’imagination de la femme de Mamaev, Kléopatra Lvovna, coquette en mal de soupirants, prête à se laisser séduire. Kléopatra tente des approches auprès de Gloumov. Elle obtient d’un de ses soupirants, le juge Gorodouline, qu’il trouve une place de fonctionnaire pour Gloumov. Gloumov fait la conquête de Gorodouline en affichant des dispositions libérales et humanitaires. Mamaev l’encourage à courtiser sa femme tout en briguant la main de Machenka. Venu remercier Kléopatra, Gloumov feint des sentiments passionnés.

Acte trois. Chez Touroussina.
Touroussina, bigote et superstitieuse, reçoit les lettres anonymes discréditant Kourtchaev et défend à sa nièce de l’épouser. Pendant tout l’acte, elle ne cesse d’accueillir dans sa maison de saintes personnes qui sont en réalité des pique-assiettes et des gens de sac et de corde.
Kroutitski, puis Gorodouline, en visite chez Touroussina, font l’un et l’autre l’éloge de Gloumov et le lui suggèrent comme époux pour Machenka. Survient Manéfa la tireuse de cartes, qui prédit l’arrivée miraculeuse d’un fiancé. Arrivent Mamaev et Gloumov. Touroussina est prête à donner sa nièce en mariage à Gloumov.

Acte quatre.
Premier tableau. Chez Kroutitski
Kroutitski vérifie avec Gloumov le « traité » que celui-ci a rédigé. Kroutitski, satisfait, confirme qu’il appuie ses fiançailles avec Machenka. Il annonce la nouvelle à Kléopatra, venue en visite, et celle-ci sort bouleversée et furieuse.
Deuxième tableau. Chez Gloumov.
Gloumov vient de rédiger son journal. Kléopatra vient le voir, l’interroge sur son futur mariage. Il essaie de lui donner le change et prétend que c’est Mamaev qui a arrangé le mariage. Mais Kléopatra ne se laisse pas prendre.
Goloutvine, qui a espionné Gloumov et intercepté les lettres anonymes, vient faire du chantage à Gloumov. Celui-ci, sorti avec lui, lui donne de l’argent en coulisses.
Kléopatra revient subrepticement, découvre le Journal de Gloumov, le lit et le dérobe. Elle donne le change à Gloumov, qui se tranquillise, puis s’affole en découvrant la disparition du Journal.

Acte cinq. Terrasse dans une maison de campagne.
Machenka dit adieu à Kourtchaev. Touroussina dit à Gloumov sa satisfaction de le voir épouser sa nièce, le mariage ayant été annoncé de manière miraculeuse. Arrivent tour à tour les invités : Gorodouline, Kléopatra, Mamaev, Kroutitski.
Un coursier apporte à Touroussina l’article de Goloutvine et le Journal intime de Gloumov. Mamaev fait la lecture à haute voix du Journal de Gloumov. Affolement et indignation générale. Touroussina rend Machenka à Kourtchaev.
Gloumov revendique le contenu du Journal, dit son fait à chacun des présents, jure qu’il se vengera et s’en va. Tous sont d’accord pour conclure que c’est un homme utile et qu’il faudra le rappeler un jour.

Regard du traducteur

Presque toutes les « grandes pièces » d’Ostrovski ont été récemment retraduites, montées et jouées en France. Grâce au travail de Bernard Sobel à Gennevilliers, à celui de metteurs en scène plus jeunes, curieux de ce théâtre lointain et familier à la fois (Cœur ardent de Christophe Rauck au TGP), grâce à d’excellentes retraductions de Lily Denis et d’André Markowicz, on a pu voir et lire L’Orage, La Forêt, Une place qui rapporte, Cœur ardent, Loups et brebis, Innocents coupables, Mécènes et adorateurs. On attend toujours qu’un grand théâtre s’intéresse à La sans dot, un chef d’œuvre qui mérite d’être traduit et monté au meilleur niveau.

Bien qu’elle ait été naguère traduite par Génia Cannac et publiée dans les deux volumes d’Ostrovski à l’Arche (Alexandre Ostrovski, Théâtre, 1, 1966), Tel est pris qui croyait prendre n’a guère encore attiré les metteurs en scène. La pièce, pourtant, forme une sorte de diptyque avec L’Argent fou, qui, dans une traduction de Lily Denis, a été mise en voix par Patrick Haggiag lors du premier festival Traduire/Transmettre à l’Atalante, en 2010.

Tel est pris a été écrit durant l’été et l’automne 1868. Ostrovski sort d’une période de doute et de ralentissement créatif. Tout à coup, il conçoit presque simultanément Tel est pris et Cœur ardent, deux pièces pourtant très différentes. Tel est pris est une comédie, une des pièces les plus clairement « politiques » d’Ostrovski. Il y abandonne les thématiques « populaires » et le monde des marchands. La pièce est située à Moscou dans les milieux des fonctionnaires et d’une aristocratie à la fortune très diverse en ce lendemain de réformes cardinales de l’appareil social et administratif russe.
Le motif central de la pièce est celui de l’ascension d’un jeune noble impécunieux, décidé à se faire une place au soleil et à prêt à utiliser au mieux une « intelligence » agile et sans scrupules. Le titre joue ironiquement sur le mot de « moudrets » (le « sage », celui qui sait mieux y faire). Terme d’époque, quand l’abolition du servage et l’ère des réformes ont produit une foule d’hommes « habiles », doués avant tout pour se frayer un chemin et se dénicher une « place qui rapporte ».
Dans le texte même de la pièce, c’est le jeu oum/gloupost’ (intelligence/sottise) qui scande le jeu verbal. Jeu difficile à transcrire en français, où aucun mot n’a la brièveté et la force d’impact de « oum », ni sa densité sémantique. On a choisi, au lieu de traduire systématiquement par « intelligence », de décliner la notion : le héros sera dit tour à tour astucieux, avisé, malin, intelligent, habile…

La pièce est donc construite comme une sorte de défilé d’habiles hommes que le héros de la pièce, habile entre les habiles, s’ingénie à berner les uns après les autres, pour en tirer le meilleur parti. Il berne ainsi un oncle fortuné faussement bonhomme, grand donneur de leçons, qui déplore l’abolition du servage ; sa femme, coquette exaltée déjà sur le retour ; un autre neveu du même oncle, hussard vaniteux qui lorgne la fortune familiale ; un haut fonctionnaire hors d’âge, rétrograde, radoteur et incapable ; un bavard libéral, « juge ou quelque chose de ce genre » ; un journaliste à scandales ; une bigote fort riche et sa nièce à marier, etc. A sa sortie, la pièce sera identifiée comme une pièce d’actualité, au point que certains s’y reconnaîtront.
Le personnage principal, au nom parlant (Gloumov, le persifleur), est plus complexe qu’il y paraît. Jeune et joli garçon, fils unique et adoré de sa Maman (un des « grotesques » de la pièce), il excipe de toute une tradition, russe et occidentale, de héros « débrouillards » : c’est à la fois Tchatski de Quel malheur l’intelligence de Griboedov (le redresseur de torts à la dent dure, éloquent et sagace), et Moltchaline de la même pièce (l’ambitieux au petit pied, flagorneur et médiocre, prêt à arriver par les femmes) ; mais c’est aussi Khlestakov, le antihéros du Revizor de Gogol (le caméléon qui s’adapte à toutes les situations et adopte tous les langages). Il a le talent verbal et l’énergie de Figaro. Quant à la scène où le trompeur est pris à son propre piège et sa machination dévoilée, c’est la transposition facilement reconnaissable de la scène de la Lettre de Célimène, dans le Misanthrope de Molière.
Le talon d’Achille de Gloumov est son Journal, ses notes personnelles que ce littérateur talentueux (il a inondé Moscou d’épigrammes, avant de décider de faire fortune) ne peut s’empêcher de rédiger au jour le jour. Gloumov sera démasqué et chassé. Pas pour longtemps, puisque la petite société moscovite décidera très vite, au dénouement de la pièce, de « lui faire à nouveau bonne figure », parce qu’un homme aussi malin trouve naturellement sa place en son sein. Tous les « malins » de la pièce sauront reprendre à leur service un homme si prompt à se trahir lui-même, et Gloumov l’hypocrite parviendra à ses fins, car, à la différence des « sincères (Alceste ou Tchatski), il est de plain pied avec ceux qu’il berne et conspue.

Telle est la morale inversée d’une pièce où rien n’est vrai, où tout, sentiments, idées, principes, n’est que faux-semblant et effet de leurre : le plus intelligent des hommes, pour un peu de bien-être (« dénicher un coin au chaud et une épouse riche ») est prêt à trahir sa propre intelligence. Ce que n’avaient fait ni Tchatski ni Figaro, Gloumov l’accepte sans hésitation. « Comédie de dupes », pièce dure, cruelle, qui fait rire et met mal à l’aise, Tel est pris qui croyait prendre révèle un autre Ostrovski, lecteur de Goldoni et de Beaumarchais, qu’on découvrira, espérons-le, avec intérêt.