La Ville

de Evgueni Grichkovets

Traduit du russe par Arnaud Le Glanic

Avec le soutien de la MAV

Écriture

  • Pays d'origine : Russie
  • Titre original : Gorod
  • Date de traduction : 2002

La pièce

  • Genre : comédie
  • Nombre d'actes et de scènes : 5
  • Nombre de personnages :
    • 5 au total
    • 4 homme(s)
    • 1 femme(s)
  • Lecture publique :
    • Date : 2002-2010
    • Lieu : Festival d'Avignon - Mon J. Vilar, Avignon

Édition

Résumé

Un homme veut partir, dit qu'il va partir, quitter pour une durée incertaine la ville où il vit, sa famille, son travail, sans raison apparente. Tantôt il refuse d'en parler avec sa femme, qui continue de combattre pied à pied les injustices dont elle l'accuse au quotidien, tantôt il tente interminablement d'en expliciter les raisons véritables, intimes, d'abord au public dans un monologue, puis à un ami débarqué à l'improviste, à sa femme ensuite, au moment le moins opportun, et enfin, à son père, convoqué spécialement. Puis, après un monologue dans lequel à son tour "elle" prend la parole et dit sa manière de comprendre ou de ne pas comprendre sa propre vie, la pièce se termine sur une courte conversation entre lui et le chauffeur d'un taxi qui le mène on ne sait où. A une gare ? A une destination habituelle ? Chez lui ?

Regard du traducteur

Je ne tenterai pas de rendre compte de ce qui fait, à mes yeux, la grandeur de ce texte particulier, pas plus que d'aucun autre, étant personnellement convaincu de l'inaptitude du langage à capturer l'essentiel, le plus important. Aussi bien d'une œuvre que de la vie, d'ailleurs, ce qui rejoint sans doute un thème majeur de la pièce, et explique certainement en partie mon intérêt pour ce texte et pour cet auteur.
Je dirai simplement qu'il me semble à la fois s'inscrire dans l'héritage d'un "théâtre russe de l'humanité" dont l'histoire passerait nécessairement par Tchékhov, et déployer une dimension originale, liée en particulier au rapport des personnages, ici singulièrement du personnage principal, Sergueï, à la parole, à l'expression langagière. Rapport qui n'est pas sans évoquer des analogies avec le statut de la parole dans la psychanalyse. Et si cette parole se vérifie toujours finalement insuffisante, elle n'en est pas moins en permanence "mise en chantier", tentée. Elle s'agrippe à tous les détails, faute d'atteindre le cœur de la chose. Et de la communication a lieu. Il y a des prises. Mais ce cheminement chaotique, insatisfait et léger dans le monde des détails ne serait-il pas en fait la seule manière humaine de laisser entendre finalement, résonner comme en creux, comme après-coup, ce qui cherche à se dire ? Je dis "léger" car l'entreprise étant vécue au quotidien, même si c'est un quotidien de crise, ces détails, pris isolément et dans l'instant où ils apparaissent, ne sont pas investis de plus d'importance qu'ils n'en ont, comme dans la vie. Et l'on ne donnerait qu'une idée très limitée de la pièce si l'on ne disait pas combien l'humour y est présent, jusqu'à lui donner la plupart des caractéristiques de la comédie, sans l'y enfermer.
Mais aussi, cette écriture de théâtre destinée plus ouvertement, plus "entièrement" que beaucoup d'autres à s'identifier à la parole des acteurs, de l'humain présent sur la scène, me semble mettre en question sereinement, sans révolution, une idée occidentale de l'écrit théâtral comme partie de la littérature, comme genre littéraire. Enfin, je voudrais dire une banalité : ce théâtre russe n'est pas seulement russe.