Écriture

  • Pays d'origine : Moldavie
  • Titre original : antidót
  • Date d'écriture : 2009
  • Date de traduction : 2012

La pièce

  • Genre : théâtre politique
  • Décors : non précisé
  • Nombre de personnages :
    • 1 au total
  • Durée approximative : 1h
  • Création :
    • Période : 28 novembre 2008
    • Lieu : Centre d'Expositions Constantin Brâncuşi, Union des Artistes Plasticiens de République de Moldavie
  • Domaine : protégé

Édition

Cette traduction n'est pas éditée mais vous pouvez la commander à la MAV

Résumé

La pièce s’ouvre sur la lettre de Samantha Smith, écolière américaine âgée de 10 ans, destinée à Iouri Andropov, secrétaire-général du PCUS.
Commence ensuite le monologue d’un garçon originaire de Moldavie qui va structurer toute la pièce.
En retraçant son histoire, de son parcours d’écolier à son suicide, et la vie de sa famille, il va balayer peu à peu la grande Histoire.
La micro histoire de la cellule familiale se noue à la grande histoire, à travers une chronologie déstructurée, qui alterne flash-back, prolepse, présent (Tchernobyl ; guerre en Transnistrie ; guerre en Géorgie ; destitution de Gorbatchev à son retour de Foros ; le pipeline Nabucco ; l’Holocauste ; l’empoisonnement du président ukrainien avec de la dioxine durant sa campagne électorale ; la prise d'otages du théâtre de la Doubrovska de Moscou).
Son récit est entrecoupé par la propagande médiatique, scolaire et par des récitations : interminables énumérations des leçons apprises par cœur égrenant formules chimiques, composition des différents gaz, différents modes d’emploi concernant les mesures de sécurité en cas de contamination chimique ou les consignes d’utilisation des bouteilles de gaz.

De l’enseignement qu’il a reçu à l’école, il reste marqué par les lettres pour la paix, que l’institutrice récoltait en fin de journée pour les donner à l’enseignant des travaux manuels qui les jetait au recyclage de papier, la règle qui déferlait sur ses petits doigts pour ne pas avoir fait ses leçons.
L’auteure pointe l’absurdité du système scolaire, on n’y apprend ni mathématiques, histoire ou géographie, mais à se servir d’une kalachnikov en trois minutes, mettre un masque anti-gaz en un centième de seconde, fabriquer un masque artisanal, faire des exercices de défense contre les armes de destruction massive, exercices absolument aberrants comme se jeter à terre dans la direction opposée au vent, connaître par cœur les premières règles de survie, et réagir dans le calme en cas d’attaque nucléaire.
Toutefois l’apprentissage de formules chimiques, de la protection anti-gaz, et des mouvements nécessaires pour la survie, ne protège ni de l’intoxication physique ni de l’intoxication idéologique.
La pièce montre comment l’endoctrinement fait rage dès le plus jeune âge, la peur est omniprésente, celle d’une attaque terroriste ou celle de l’ennemi, l’ennemi c’est l’autre, tout individu provenant d’un pays non communiste, tout étranger, il est désincarné, sans identité, sans nom, sans visage, tout comme le gaz ou la radiation qui n’ont pas de goût, pas d’odeur, on ne les sent pas, on ne les voit pas.

Regard du traducteur

Avec Antidote, Nicoleta Esinencu retrace une longue histoire du gaz et du nucléaire, du zyklon B utilisé à Auschwitz, jusqu’à Tchernobyl, en passant par les menaces de contamination chimique en temps de Guerre Froide.
Mais le gaz, c’est aussi une ressource naturelle qui répond à nos besoins primaires (se nourrir par exemple, se chauffer), c’est une source de vie, que l’on peut détourner en moyen de pression politique.
Et c’est au scalpel que Nicoleta Esinencu dissèque l’Histoire, le pouvoir de l’État, la guerre, et les conséquences de la chute du Mur : la mise en place d’un autoritarisme post-totalitaire par une nouvelle nomenklatura, apparatchiks de la transition perpétuant et réinventant un terrorisme d’État, plus insidieux et nettement moins saisissable que celui de l’Ex-Union soviétique. À l’Est, le postcommunisme n’est que le prolongement d’une société dans laquelle l’individu reste considéré comme un insecte, le zyklon B, faut-il le rappeler, est à la base un pesticide.
L’auteure rend compte de la désinformation, de l’endoctrinement et de la manipulation des masses. L’intoxication aux informations poussant à la paranoïa de l’ennemi invisible, sans identité, à l’ennemi clairement identifié, et la propagande inodore, incolore qui s’infiltre sournoisement dans les esprits fait grandir l’empire de la peur et laisse le racisme et le nationalisme dominer les esprits et les pulsions : la haine des juifs, des Tchéchènes, des Moldaves, ou l’envie de reconstruire le Mur, nommons-la, par exemple : la haine de ceux qui ont été derrière le rideau de fer.
Nicoleta Esinencu a écrit et monté ce texte dans le cadre du projet After the Fall – L’Europe après 1989, initié par le Goethe Institut, à l’occasion du 20ème anniversaire de la chute du Mur de Berlin.
Avec ce texte, hautement politique et militant, l’auteure interroge avec justesse les conséquences identitaires du déclin du modèle communiste pour notre Europe contemporaine.
Antidote pose d’abord une question éthique : que faisons-nous d’un système éducatif, idéologique, ou d’une avancée scientifique ou technologique ? Le constat est accablant : nous créons plus volontiers de nouveaux moyens de pression, d’aliénation voire de destruction des peuples plutôt que des outils pour les servir au mieux. Existe-t-il un antidote, un remède pour un projet sociétal viable ? Un appel d’air ?


Lectures publiques :

- Le 17 mai 2013 : 13ème édition du Festival Regards croisés, Troisième bureau, Grenoble.
- Le 15 Juin 2013 : L’habitude de la liberté, Marathon lecture de 24 h avec 72 autrices de théâtre, Confluences, Paris.
- Le 17 juillet 2013, mise en voix par Dag Jeanneret et Leyla-Claire Rabih, Festival d’Avignon, Carte blanche à la Maison Antoine Vitez, dans la grande salle de l’ISTS (Espace Saint Louis).
- Du 23 au 29 août 2013 : Au programme de la 19ème édition de la Mousson d'été à l'Abbaye des Prémontrés (Maison Européenne des Écritures Contemporaines), Pont-à-Mousson.